LE COEUR RÉGULIER
Olivier Adam
Éd. de l’Olivier, 2010
Un mot me vient en tête pour qualifier ce livre et l’écriture de l’auteur : LISSE. Lisse comme les cheveux des asiatiques, lisse comme les kimonos japonais, lisse comme lorsque tout glisse et qu’on ne trouve pas de prise pour s’accrocher à la paroi lors d’une escalade… Et nombre de mots s’associent à « lisse » : apaisant, doux, sans saveur, morose, détaché, zen… Tout dépendra de la connotation que l’on donnera au mot lisse. Et il en va de même avec ce livre. J’ai aimé lire ce livre. Devrais-je pour autant le conseiller ?!
Olivier Adam nous plonge ici, volontairement, dans l’insipide. Une vie sans saveur, une vie parfaite, établie dans la bourgeoisie parisienne, aisée et parvenue. Une vie qui succombera et plongera dans la dépression, dans la perte du désir de la vie. Parce qu’un jour la narratrice réalise que quelque part en chemin, cependant qu’elle bâtissait sa vie parfaite et sa réussite professionnelle irréprochable, elle s’est perdue. Son frère meurt dans un accident de voiture, probablement un suicide, et ce décès va faire dégringoler notre narratrice. Elle se rendra au Japon sur les traces de son frère, pour comprendre, le comprendre, le rencontrer là-bas en quelque sorte. Et c’est à la rencontre d’elle-même qu’elle se présente ainsi. Dans ce paysage escarpé, avec la proximité de cette falaise qui se précipite dans la mer et invite une ou deux personnes à s’y jeter semaine après semaine.
Il est un personnage aussi dans ce livre qui est « lisse », tel un moine zen. Paradoxalement, c’est le seul être qui agit. Qui refuse de fermer les yeux, de rester les bras croisés en attendant que le mal-être du monde se résorbe. Le seul homme qui tente de contribuer à la possibilité d’un meilleur lendemain pour tous ces êtres frappés de désarroi. Ce policier retraité rôde autour des falaises, jour et nuit et à chaque fois que l’occasion se présente il pose la main sur l’épaule du désœuvré suicidaire, l’invite et l’héberge dans sa maison le temps nécessaire pour que ce dernier puisse accepter de continuer de vivre…
Ainsi, lisse ce n’est pas passif. Lisse ce n’est pas indifférent. Lisse ce n’est pas faible. Lisse est tendre, lisse est doté d’amour pour l’être humain, capable de lucidité quant à l’impitoyable de notre société moderne et dès lors doté d’une grande tolérance envers les démunis, les fragiles, les sensibles… Voilà en quoi j’ai aimé le « lisse » d’Olivier Adam, écrivain que j’ai découvert avec ce livre.