LA BELLE AMOUR HUMAINE
Lyonel Trouillot
éd. Actes Sud, 2011
Un joli livre, de très belles phrases distillées ça et là. Une structure quelque peu à la mode du jour, les narrateurs étant multiples : dans une première partie le jeune garçon conducteur de taxi s’adresse à sa passagère, dans la deuxième partie la passagère parle et le narrateur est encore autre dans la troisième partie. Et ces monologues nous éclairent sur l’histoire du lieu, de ce village côtier d’Haïti où se rend notre passagère, en quête de son identité et de l’histoire de sa famille paternelle inconnue d’elle. Et c’est une histoire d’intolérance, d’injustice et de racisme que nous découvrirons, l’histoire aussi du savoir vivre simplement, et du contentement des villageois.
Comme je vous dis bien peu de choses sur ce livre, voici la critique de Christine Rousseau, parue dans Le Monde des Livres le 13 octobre 2011 :
La Belle Amour humaine débute comme un conte populaire. Loin du vacarme de la capitale et des bruits « qui se moquent de la vie », dans un village côtier, Anse-à-Fôleur, vivent une poignée d’hommes, de femmes, qui dessinent les contours d’une vie simple, sans entraves, où le bonheur d’autrui est un pacte fondateur. Et ce depuis toujours, ou presque…
Car il y a bien longtemps, au terme d’une journée « proche de la perfection » et d’une nuit emplie d’odeurs de jasmin, de rêves d’ailleurs et d’étreintes, les villas les Belles Jumelles furent incendiées ; et leurs propriétaires – un colonel à la retraite et un homme d’affaires – réduits à deux petits tas cendres. Depuis lors, le mystère est resté entier autour de ce drame (criminel ?) et de la destination prise par le fils d’une des victimes, entraperçu au petit matin sur la route…
Une route qu’emprunte, vingt ans plus tard sa fille, Anaïse, en compagnie de Thomas, son chauffeur, natif de Anse-à-Fôleur. Pendant le trajet de la capitale où elle débarque – et dont Lyonel Trouillot offre une peinture sonore saisissante – à ce petit coin excentré où ne s’aventurent guère les étrangers, Thomas conte mi-tendre mi-ironique son île balafrée de clichés, peuplée de prédateurs en tout genre – tels Robert Montès, le grand-père d’Anaïse et son double soldatesque Pierre André Pierre – mais aussi de paysans, de pêcheurs, d’artistes, de poètes et de sages. Ceux à la rencontre desquels s’achemine Anaïse, en route vers un possible bonheur.
De l’adversité à l’altérité, de la confrontation au partage, ainsi se déploie cette fable porteuse de vie et d’utopie où revient une interrogation lancinante, entêtante : « Quel usage faut-il faire de sa présence au monde ? » Lyonel Trouillot y répond, à sa manière, sensible, élégante et quelque peu inquiétante.