Le Prix Booker (anciennement connu sous le nom Man Booker), créé en 1968, est un des prix littéraires anglophones les plus reconnus, et populaires, dans le monde. Sont éligibles tous les romans et recueils de nouvelles publiés en anglais par une maison d'édition britannique. La somme de £50,000 est remise au lauréat qui bénéficie dès lors d'un rayonnement international. Milkman, d'Anna Burns, lauréat 2018 est désormais traduit dans 40 langues, et s'est vendu à plus de 550 000 exemplaires depuis.
Vous le savez, je suis ce prix attentivement. Chaque année je trouve de nouvelles inspirations de lecture dans les sélections du Booker, et de son pendant international (Booker International). Pour vous permettre d'en faire de même, je détaille l'ensemble des nominés, chaque année.
Pour une rapide première analyse notons que :
- Pour le moment uniquement quatre titres de la sélection sont disponibles dans leur traduction français.
- Nous retrouvons des écrivains de grande renommée que nous connaissons bien tels Jeanette Winterson, Elif Shafak, Salman Rushdie ou Margaret Atwood ; les deux derniers cités ayant déjà remporté ce prix dans le passé (en 1981 et en 2000).
- La sélection fait place aux sujets très actuels et invite dans la liste des styles et genres multiples et novateurs.
- Un premier roman a été retenu (Ma sœur, serial killeuse de Oyinkan Braithwaite), et également un premier roman écrit en anglais (Archives des enfants perdus de Valeria Luisella qui écrivait précédemment en espagnol).
- Notons aussi que 8 romans sélectionnés sur 13 sont l'oeuvre d'écrivaines.
Et voici, détaillés titre par titre, les nominés du Prix Booker 2019.
Les finalistes ont été annoncés le 3 septembre (vous pourrez voir la sélection détaillée dans cet autre article) et l'annonce du lauréat se fera le 14 octobre.
Romans disponibles dans une traduction française
Regardons d'abord les livres écrits en anglais et déjà disponibles dans leur traduction française.
Les Testaments de Margaret Atwood, sera publié en France le 7 novembre prochain par les éditions Robert Laffont, et a été traduit en français par Sylviane Rué. Il n'est plus nécessaire de présenter Margaret Atwood, autrice canadienne prolifique et très appréciée par le lectorat français. Notons que ce roman raconte la suite de La Servante écarlate : il nous ramène à Gilead quinze ans après et nous fait connaîtra le devenir de Defred sur la base de témoignages de trois narratrices. Le roman est publié en anglais sous le titre The Testaments, publié par Vintage, Chatto & Wandus.
Archives des enfants perdus paraît le 14 août en français chez les éditions de l'Olivier, traduit par Nicolas Richard. Valeria Luiselli est née à Mexico, elle a vécu en Corée du Sud, Afrique du Sud, Inde et vit actuellement aux États-Unis. Romancière et essayiste hispanophone, elle écrit pour la première fois ce roman en anglais. Elle y fait le récit de deux périples: le voyage d'une famille new-yorkaise vers le Mexique et celui d'enfants mexicains qui cherchent à atteindre la frontière américaine. Les deux histoires s'entrelacent et portent le lecteur à évaluer la possibilité de rester humain dans un monde devenu très inhumain. Le livre est paru en anglais sous le titre Lost Children Archive, publié par les éditions Harper Collins. J'ai écouté un jour une émission littéraire américaine où elle était invitée, et depuis j'ai très envie de lire ce roman.
Ma sœur, serial killeuse de Oyinkan Braithwaite est paru en français en février 2019, aux éditions Delcourt Littérature, traduit de l'anglais (Nigéria) par Christine Barnaste. Notons que c'est un premier roman et qu'il a gagné les cœurs des lecteurs anglophones dès sa sortie. Le roman est centré sur la vie de deux sœurs. L'une assassine ses amants, l'autre protège sa cadette de la loi, envers et contre tout. Or un beau jour la meurtrière s'intéresse à l'homme dont sa sœur est amoureuse ; qui devra-t-elle sauver, sa soeur ou l'homme qu'elle aime ?... Le roman, d'après les lecteurs, se lit très facilement et sous couvert de l'histoire narrée nous fait connaître la société nigériane et ses travers. Le livre est paru en anglais sous le titre My sister, the serial killer, publié par les éditions Atlantic Books.
Lanny paraît en français le 14 août 2019 aux éditions du Seuil, traduit par Charles Recoursé. L'écrivain Max Porter a longtemps été éditeur chez Granta. Lanny est son deuxième roman. L'histoire se déroule dans une petite ville de la campagne anglaise où cohabitent les morts et les vivants : les habitants du village du temps présent et ceux des siècles passés. Le Père Lathrée Morte écoute la voix de tous au sortir d'un long songe dans l'au-delà. Parmi toutes les voix qu'il entend il en est une qu'il préfère pardessus tout, celle d'un jeune garçon, Lanny. Car les mots de Lanny sont énigmatiques, en voici un exemple : « qui des deux est le plus patient : une idée ou un espoir? »... Jusqu'au jour où Lanny disparaît.
Voici ce qu'en dit l'éditeur français de ce roman : « Ode à l’enfance et à l’imagination, portrait de nos joies les plus simples, de nos peurs les plus enfouies et de nos fragilités les plus intimes, le deuxième roman de Max Porter est un conte qui puise aux sources du merveilleux comme du plus trivial pour révéler l’invisible et inquiétante magie à l’œuvre dans nos vies ». Le livre est paru en anglais sous le titre Lanny, publié par les éditions faber & faber.
Romans non encore traduits en français
Faisons le tour maintenant de ces autres nominés qui ne sont pas encore traduits en français. Hormis Bernardine Evariste tous les écrivains ci-dessous ont déjà été traduits en français.
Frankisstein de Jeanette Winterson entrelace des récits du passé, du présent et du futur. D'un côté le roman retrace la vie imaginée de Mary Shelley, autrice de Frankenstein, de l'autre des transgenres et scientifiques des temps actuels se rencontrent et s'aiment, et pour compléter le tout les impacts de l'Intelligence Artificielle et son devenir futur sont mis en scène. D'après les lecteurs le roman est hilarant, satirique, philosophique, intelligent, finement construit et gorgé d'un imaginaire désarmant. On dit qu'avec ce livre l'écrivaine serait à l'apogée de son art. Nous connaissons largement Jeanette Winterson, ses romans et récits étant publiés par les éditions de l'Olivier. Autrice prolifique et acclamée, elle a été remarquée dès son premier écrit à l'âge de vingt-six ans. Le livre est publié en anglais par les éditions Vintage, Jonathan Cape.
10 Minutes 38 Seconds in This Strange World de l'écrivaine turque anglophone Elif Shafak se déroule à Istanbul. La première partie raconte les dix minutes et trente huit secondes suivant la mort d'une prostituée turque, laps de temps où son âme flotte encore dans le monde terrestre. Puis sa vie est retracée au travers de l'histoire de ses amis qui chercheront à retrouver son cadavre. L'extraordinaire du livre prendrait sa source dans la description ahurissante de cette ville si folle, si vibrante et multiple qu'est Istanbul dans le roman. J'ai lu des critiques de lecteurs enchantés, tout autant que de lecteurs mitigés. Mais je sais que nombreux sont les inconditionnels d'Elif Shafak, autrice prolifique avec une bonne dizaine de romans traduits en français, chez Phébus, et plus récemment chez Flammarion. Notons qu'elle écrit en turc et en anglais. Ce roman-ci a été écrit en anglais. Elle-même vit à Londres aujourd'hui. Le livre est publié par les éditions Penguin general, Viking.
An Orchestra of Minorities de l'écrivain nigérian Chigozie Obioma opte pour un narrateur original : le chi, une sorte d'ange gardien du personnage principal. Le récit revisite par ailleurs l'Odyssée d'Homère. C'est l'histoire d'un homme qui tombe amoureux d'une femme d'une couche sociale plus élevée que la sienne. Il fera tout pour la conquérir et ira jusque tout perdre dans sa quête. Le récit semble être tissé comme un conte, fidèle à l'imaginaire nigérian, intégrant ses légendes et personnages mythiques. Le style de l'écriture et la structure même du roman ont ébahi les lecteurs, et j'avoue avoir été largement gagnée par les critiques et chroniques élogieux que j'ai lu dessus. Le précédent (et premier) roman de l'écrivain, Le Pêcheur, est paru en français chez les éditions de l'Olivier et avait été finaliste de ce prix. Le livre est publié en anglais par les éditions Hachette, Little Brown.
The Man Who Saw Everything de l'écrivaine Deborah Levy semble briser tous les codes classiques de l'écriture. On peut s'y perdre, et l'on peut se laisser fasciner par l'histoire de cet homme dont la trajectoire de vie va subitement se trouvée changée, parce qu'il traverse une rue, parce qu'une voiture le heurte, et parce que le reste relève de l'incompréhensible ! Je ne saurais vous en dire plus, mais j'ai vu que ce roman avait ravi bien des lecteurs. Dramaturge, romancière, poète anglaise d'origine sud-africaine Deborah Levy a déjà été traduite en français chez Flammarion. Notons qu'elle a été finaliste de ce prix à deux reprises dans le passé. Le livre est publié en anglais par les éditions Penguin general, Hamish Hamilton.
The Wall de l'écrivain britannique John Lanchester est une dystopie. et se situe dans un monde post changement climatique où le niveau des eaux a submergé la terre. Les nations sont désormais des îles et telles des prisons elles sont bien gardées. Un mur est érigé pour protéger la nation et des gardes, appelés du service militaire ré-établi, sont recrutés pour veiller sur le mur. Les gardes qui laissent Les Autres, venus de l'eau, enjamber le mur seront eux-mêmes bannis et déchus au rang des Autres. La structure du roman est linéaire, le style assez direct, et d'après les lecteurs toutes les allégories aux phénomènes des temps actuels compréhensibles. Les critiques des lecteurs sont mitigées, mais bien entendu c'est à l'appréciation de chacun, sachant que le livre serait haletan. John Lanchester est romancier et journaliste. Il est né à Hambourg, a grandi à Hong-Kong et vit actuellement à Londres. Ses romans sont parus dans leur traduction française aux éditions du Seuil et plus récemment chez Plon. Le livre est publié en anglais par les éditions faber & faber.
Night Boat to Tangier de l'écrivain irlandais Kevin Barry est présenté comme une tragi-comédie se rapprochant des écrits de Beckett, mais gorgée de violence, de sexe et de drogue, por explorer les mystères de l'amour. Deux hommes attendent le passage d'un bateau dans lequel se trouverait la fille de l'un. Durant cette nuit d'attente ils refont le voyage vers leur passé de contrebandier, de trafiquant de drogue et revivent mille histoires incongrues. Kevin Barry use d'une plume talentueuse dit-on dans ce livre et le roman en devient captivant tel un thriller. Le roman est très loué par les lecteurs et les critiques. Les écrits de Kevin Barry ont été traduits et publiés en français par Actes Sud et plus récemment par Buchet Chastel. Le livre est publié en anglais par les éditions Canongate Books.
Girl, Woman, Other de l'écrivaine britannique Bernardine Evaristo trace en douze chapitres l'histoire de douze personnages, pour la plupart des femmes noires. Histoires de famille, d'amitiés et d'amour s'entrelacent pour peintre une Angleterre contemporaine. Roman polyphonique, poly-genre, tendre et actuel il semble remporter les cœurs des lecteurs qui trouvent l'ensemble très attachant, et le ton juste. Bernardine Evaristo a écrit des romans, des nouvelles, des essais, des poèmes. Le livre est publié en anglais par les éditions Penguin general, Hamish Hamilton.
Quichotte de Salman Rushdie donne vie à un Don Quichotte des temps modernes. Avec son talent et son style reconnaissable Rushdie séduit les lecteurs qui lui sont fidèles, et les autres aussi. Il nous plonge dans la situation américaine actuelle et ses aberrations. Ce roman va probablement paraître en français bientôt. Le livre est publié en anglais par les éditions Vintage, Jonathan Cape.
Ducks, Newburyport de l'écrivaine anglo-américaine Lucy Ellmann est le récit d'une femme au foyer américaine de l'Ohio qui tente de faire la part des choses entre la réalité et le contenu des informations et actualités de son pays. Mille choses défilent dans sa tête et mettent au jour l'incohérence, ou l'incongru des États-Unis aujourd'hui. Le roman compte mille pages, et sa structure est fragmentaire, son style un peu fou. Les lecteurs adorent ou révèrent sans demi-mesure d'après ce que j'ai vu. Il est dit du roman qu'il est extrêmement drôle, le ton et la voix de la narratrice transporterait le lecteur. Mais il est également dit par d'autres qu'il est illisible. Rappelons que l'écrivaine vit en écosse et qu'un de ses romans a été traduit en français, il y a quelque temps déjà. Le livre est publié en anglais par les éditions Galley Beggar Press.
Prochaines étapes et liens
Les finalistes ont été annoncés le 3 septembre (vous pourrez voir la sélection détaillée dans cet autre article).
Le jury révélera le nom du lauréat le 14 octobre 2019.
Pour consulter le nom et les attributions des membres du jury vous pouvez vous rendre sur la page officielle de ce prix en cliquant ici.
J'invite les anglophones à écouter ce podcast où les membres du jury sont interviewés et présentent un par un les romans retenus dans cette sélection.
Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.