Deux polémiques récentes m’ont valu d’écrire cet article. La première, j’avoue, n’est pas très intéressante car elle touche à la sempiternelle question de l’éligibilité de ce prix qui a été modifié en 2014. La deuxième me paraît plus délicate et mérite que l’on s’y penche un instant.
En 2014 le Man Booker a donc ouvert ses portes aux livres écrits en anglais par des américains. Jusque là ce prix ne sélectionnait que des écrivains des pays du Commonwealth, du Zimbabwe, d’Angleterre et d’Irlande. Le prix Rathbones Folio, créé en 2013, avait décidé dès le départ d’intégrer dans ses sélections les écrits américains. L’académie de ce Rathbones Folio manifeste son mécontentement encore une fois cette année, estimant que le Man Booker devrait revenir à ses règles anciennes d’éligibilité.
Il faut reconnaître que c’était choquant de voir le Man Booke récompenser des écrivains américains deux années de suite, Paul Beatty en 2016 et George Saunders en 2017. Mais le Rathbones avait également retenu George Saunders pour Lauréat 2017. Personnellement je n’ai pas été sensible à son roman « Lincoln in the Bardo » doublement récompensé, mais je pense que c’est tout simplement le talent littéraire de l’écrivain qui a été apprécié. Un bon écrivain est un bon écrivain. Et c’est très bien si son livre traverse les frontières. Car bien entendu, être lauréat du Man Booker c’est être subitement universellement connu !
La deuxième polémique en revanche a retenu mon attention. Ceux qui me connaissent savent que je n’aime pas les polémiques, d’autant plus que ce sont les réseaux sociaux aujourd’hui qui leur donnent voix. Mais j’aime plus que tout la littérature internationale. J’aime être transportée dans un ailleurs que je ne connais pas, m’imprégner de l’histoire et de la culture d’un pays lointain, grâce aux livres. Et parmi les nominés 2018 du Man Booker International j’étais très attirée par le livre de Wu Ming-Yi « The Stolen bicycle » (la bicyclette volée) où l’écrivain trace l’histoire d’un vélo et revisite par cet artifice l’histoire de son pays, le Taiwan. L’écrivain était donc cité dans la liste comme un auteur taïwanais. Sous la pression de l’Ambassade chinoise basée à Londres l’institution du Man Booker Prize a dû modifier cette mention. Désormais Wu Ming-Yi est présenté comme un écrivain de Chine, de la province de Taiwan ! C’est ainsi. Hong Kong et Taiwan ne sont pas des pays mais des provinces de Chine a cru bon de rappeler ce grand pays, « L’Empire du Milieu ». L’écrivain a manifesté son mécontentement et a reçu des insultes sur les réseaux sociaux dont des invitations à boycotter son livre en Chine…
C’est malheureux. Mais que cela ne nous empêche pas de lire ce livre, ni ne nous donne subitement envie de le lire. Restons lecteurs : curieux, libres et c’est tout !
Notons, pour finir, que le Rathbones Folio vient de faire l’annonce de sa deuxième sélection 2018. Puisque je n’y avais pas consacré un article, voici les 8 livres retenus. Vous pourrez lire les articles de Kimamori sur deux des finalistes : Larmes blanches de Hari Kunzru et, Exit West de Mohsin Hamid.
L’illustration présentée au début de l’article est une oeuvre de broderie de Coleccionnes de Cesar.