Un nouveau je !
Maintenant que je lis de plus en plus de romans destinés aux adolescents et jeunes adultes je me rends compte comme l'affirmation de soi et l'acceptation d'une personnalité en construction sont les thèmes ancrés dans cette littérature. Questions ô combien difficiles à traiter. Mais les jeunes lecteurs reçoivent avec beaucoup d'ouverture et de perspicacité ces notions. Et peut-être les requièrent-ils ardemment. River, le roman de Claire Castillon s'y attaque avec une audace remarquable. Et se fond dans le quotidien d'un être tant fragile que doté d'une force exemplaire. Notons que River a été finaliste du Prix Vendredi 2019, reconnaissance méritée.
Le roman prend pour personnages principaux deux sœurs. L'une est parfaite, intelligente, jolie, discrète, l'autre très à l'opposé de l'image de son aînée. La première a du discernement, elle sait gérer les situations, faire preuve d'un comportement compréhensible et louable. La deuxième est sur-active, terriblement réactive, inadaptée dans toute situation, craintive. Et l'on s'en doutera, il n'est pas toujours aisé pour les parents de gérer cette deuxième fille, River. Et l'on ne s'étonnera pas que River soit l'objet de moqueries et harcèlements à l'école. Alors l'aîné la protège, lui donne mille bons conseils. L'aîné la couvre, contre vents et marées. Le décor est mis en place, ne reste plus que le déroulement de l'histoire. La situation ira de mal en pis jusqu'au jour où un renversement de situation aura lieu...
Alors commençons par la fin ! Elle est totalement inattendue. Une surprise de taille attend le lecteur au côté de River, acteur et artisan de sa vie. Vous ayant dit cela je peux vous dire maintenant que le chemin pour parvenir à cet inattendu est ardu, sombre, angoissant, terrifiant. Eh oui, je suis une âme sensible et je me suis fondue dans la peau du personnage. J'ai mesuré l'importance et l'ampleur des dégâts causés par le harcèlement chez les jeunes collégiens. Car nous connaissons bien cette problématique, mais réalisons-nous ce que ressent celui ou celle qui le subit ? Pouvons-nous imaginer sa façon de chercher à solutionner le problème ? En cela le roman est instructif, et à tout moment il est juste dans l'analyse de la situation. L'adolescent ne souhaite pas que les parents interviennent, n'aime pas que les adultes interfèrent. Il ne souhaite pas être décrédibilisé par son entourage. Cet entourage de collégiens qui ne savent pas non plus comment remettre de l'ordre là où ils ne soupçonnent que désordre. Encore une fois ce roman apporte des réponses. Un mot, une présence, même insignifiante d'un copain ou d'une copine, peut faire basculer les choses, dans un sens positif.
Récit de mal-être. Récit d'un drame familial cautérisé au mieux mais qui persiste malgré tout. Récit d'apprentissage. Récit de dépassement de soi et récit de métamorphose... River est tout cela. Narré par le jeune adolescent. Adolescent qui ne sait pas comment s'émanciper mais qui trouvera sa voie inévitablement.
Ce roman est d'une grande précision dans le déploiement psychologique des personnages. Aussi singulier que cela puisse paraître, le mal-être, les doutes, les tentatives maladroites des parents vis-à-vis de leurs enfants sont vus ici, et appréciés, par l'enfant. Car on pense toujours au mal-être de l'enfant, et à la protection que lui apporte le parent. Mais nous oublions de penser au mal-être du parent, et à l'effort de l'enfant de protéger le parent... Voilà, les enfants, les adolescents, sont héroïques. Et ils font face à des situations extraordinaires - celles-là même qui sont ici racontées, dans un roman !
River, de Claire Castillon a sa place dans le paysage littéraire jeunes adultes. Et sa lecture peut secourir des adolescents qui vivent ces situations et ne savent comment s'en dépatouiller. Alors l'existence de ce roman est une chose essentielle. Heureusement qu'une écrivaine s'y est attelé et qu'un éditeur l'a porté. Faisons notre nécessaire pour que ce livre puisse parvenir jusqu'aux lecteurs et lectrices qui le recherchent, dans les bibliothèques ou dans les centres de documentations des écoles, par exemple.
Les illustrations présentées sont :
- Photographie de lulu, fotocommunity
- Sculpture de Andrew De Vries
Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.