“I feel I'm very sane about how crazy I am *.”
Carrie Fisher était une femme hors-norme, à l'humour décapant et sans concession. Sa mort m'avait profondément attristée, jetée à terre. C'était la première fois que la mort d'une célébrité me plongeait dans un tel désarroi, la perte d'une inconnue qui, au final, n'en était plus tellement une pour des millions de fans.
Souffrant de bipolarité, elle parlait de tout, sans complexes ; de ses traitements, de la maladie mentale et de son addiction aux médicaments, de son expérience hollywoodienne ou de sa vie d'enfant de stars. Carrie Fisher n'avait pas de tabous, c'est à cœur ouvert qu'elle parlait de sa vie, des côtés sombres comme des plus fabuleux, dans ses livres ou encore dans ses pièces de théatre.
Dans Journal d'une princesse, l'actrice livre des photos souvenirs et des extraits de ses journaux intimes datant de l'époque où elle tournait le premier volet de la saga Star Wars en 1977. Ces films qui allaient en faire une idole pour plusieurs générations. Beaucoup de choses sont floues pour elle, mais elle y évoque pour la toute première fois ce que tous les fans souhaitaient croire au fond d'eux ; sa relation passionnée avec Harrison Ford.
“Resentment is like drinking a poison and waiting for the other person to die **.”
Derrière son humour noir qui n'épargne personne, et surtout pas elle-même, on découvre une femme brillante qui lève le voile sur des problématiques que la société tarde à regarder en face - la maladie mentale, la place des femmes dans l'industrie du cinéma, les addictions, le regard sur le corps des femmes - tout particulièrement dans le milieu du showbizness où la priorité est le fantasme de la perfection.
Etre fan de la saga interstellaire n'est pas une prérogative pour lire et apprécier ces deux ouvrages (Wishful drinking n'est, à ma connaissance, toujours pas disponible en français), au contraire. Cela n'est pas prédominant. Dans Journal d'une princesse, Harrison Ford tient une place importante. Et même s'il était marié à l'époque de leur liaison, l'acteur a lu en avant-première le manuscrit et lui a donné l'autorisation d'en parler, sans restriction, alors qu'il n'a clairement pas le beau rôle. Mais il faut dire qu'il y a prescription !
Bref, deux ouvrages qui m'ont fait regretter encore plus cette grande dame, qui avait toujours le mot pour rire y compris dans les pires situations de sa vie. Elle évoque sans concession ses prises de poids, son mal-être vis-à-vis de ce statut de "sex-symbol" qui lui est tombé dessus alors qu'elle sortait à peine de l'adolescence, elle n'a pas honte de sa maladie et des traitements médicamenteux et par électrochocs qu'elle suivait, de son addiction et les échecs de ses mariages (Paul Simon, de Simon and Garfunkel mais aussi le père de sa fille Billie Lourd, Bryan Lourd, qui lui avait révélé son homosexualité après leur mariage). Bref, de son côté obscur qui la rendait pourtant si radieuse, et surtout si humaine. Avec des failles, des imperfections et des fêlures. Elle restera pour moi un modèle.
“If my life wasn’t funny it would just be true, and that is unacceptable ***.”
La photographie en tête de l'article est d'© Amalia Luciani pour Kimamori.
* "Je pense être très saine d'esprit concernant ma folie"
** "La rancœur, c'est comme boire du poison et attendre que l'autre personne meurt".
*** "Si ma vie n'avait pas été drôle, elle aurait seulement été réelle, et ça c'est inacceptable".
Article d'Amalia Luciani
Historienne de formation, elle est enseignante, photographe et nouvelliste. Elle a été journaliste en freelance.
Responsable de la rubrique Littérature de l'Imaginaire, elle gère le compte et les communications Instagram. Elle est également l'experte polar de Kimamori.