Récemment, en parlant de Claire Messud et de son dernier livre j’évoquais cette formule américaine « un écrivain d’écrivains » dont on qualifie les plumes très littéraires. Eh bien, James Salter est l’écrivain par excellence reconnu comme tel. Notons qu’il était essayiste, poète, nouvelliste, scénariste,a publié des mémoires et que le dernier roman écrit par lui datait de 1979. James Salter était aussi membre de l’Académie américaine des lettres et des arts.
Ayant lu ce récit, désormais je saurai ce qu’entend la critique américaine par écrivain d’écrivains… Dans ce livre, par exemple, il n’y a point d’histoire à proprement parler, ni d’intrigues secondaires, chose rare au sein de la littérature américaine. Il y a bien peu de rebondissements et encore moins d’émotions bouleversantes vécues par des personnages qui seraient eux-mêmes fabuleux ou remarquables.
Dans ce livre nous lisons une vie, simplement, et accompagnons un personnage qui fait la guerre dans les Marines et évolue ensuite dans l’univers New-yorkais et le monde de l’édition.Il travaille chez le même éditeur sa vie durant, se marie avec une fille du sud, à l’esprit sudiste, divorce, fait des rencontres, séduit d’autres femmes, tombe amoureux, est trahi, à son tour trahira, et durant tout ce temps il se retrouve avec ses amis et collègues de longue date. Bref, il est jeune puis homme mûr, et ensuite un homme âgé. Notre homme traverse la vie, et au travers de lui l’écrivain peint le tableau d’une époque, d’une certaine culture, des moeurs de protagonistes voguant dans le paysage new-yorkais de l’édition. Et quelques scènes délicieuses se déroulent à Paris aussi. C’est tout : « All that is ».
Eh oui, tout ça pour ça et c’est avec plaisir que nous croquons ce tout-là, ce bien peu de choses, et que nous nous laissons toucher par un tableau en mouvement qui se déroule sous nos yeux. Du miel authentique, qui piquera la langue et adoucira le gosier au passage, reluisant tout ce temps d’un doré éphémère.
Le livre de James Salter est un peu comme ce tableau, tout en finesse et en lumières discrètes…
Si l’on aime la vie pour les petites choses qui la constituent et qui ont le don de nous ravir, on aimera ce livre. Et si l’on aime la vie malgré les grandes choses qui la constituent et qui nous perturbent, on aimera ce livre…
ET RIEN D’AUTRE
(All That Is)
James Salter
Traduit de l’anglais américain par Marc Amfreville
éd. de l’Olivier
Cette oeuvre est d’Emile Claus – Tree in the Sun (1900)