Si vous n’avez pas encore lu ce livre, lisez-le, car plus que jamais ce roman triste qui sait nous faire rire à chaque phrase est d’actualité. Il nous parle de nationalisme et d’archaïsme, de religion et d’obscurantisme, des travers de la modernité, de l’identité bafouée et de nostalgie d’un passé révolu sans jamais parler ni politique, ni religion, ni nation ! C’est un livre ô combien fantastique qui nous parle d’une langue que nous tous savions parler dans un autrefois oublié : une langue à laquelle hommes et bêtes répondaient, une langue qui savait garantir la paix et la solidarité.
C’est le roman d’initiation d’un jeune garçon des forêts, le jeune Leemet, condamné à vivre dans la solitude du « dernier des Gaulois » parce qu’il sera le dernier à maîtriser la langue de la sagesse ; il est « l’homme qui savait la langue des serpents »…
Nous sommes dans une Estonie médievale au moment de la colonisation germanique et de l’évangélisation qui l’accompagne. Les homme sortent de la forêt et évoluent vers la modernité qui leur apprend tant l’agriculture qu’une savante différentiation entre le Bien et le Mal, Dieu et Satan. Ayant dit cela, nous n’avons rien dit du livre. Car dans cet écrit une jeune fille épousera l’ours polaire, durant les saisons de la nuit une famille aimante hivernera auprès de ses amis serpents dans leur terroir, La Salamandre protectrice d’une nation sera réelle et le poisson qui fait la taille d’une montagne et qui fait surface tous les quelques siècles ne sera pas une légende.
Que de thèmes ne sont pas traités dans ce livre aux rangs de l’amour, la famille, le couple et l’amitié ; que de faits établis ne sont-ils pas éclaboussés… Le lecteur va de surprise en surprise, du rire au fou rire et tout ce temps il a la gorge serrée et retient sans le savoir une larme qui ne cesse de vider ses poumons et ralentir son souffle.
L’HOMME QUI SAVAIT LA LANGUE DES SERPENTS
Andrus Kivirähk
Traduit de l’estonien par Jean-Pierre Minaudier
Grand Prix de l’Imaginaire 2014
éd. Le Tripode, première parution 2013