A moins de lire des bestsellers les romans que nous offre la littérature aujourd’hui ne sont plus tant des oeuvres romanesques. Ce sont des essais philosophiques, des témoignages, des traversées de l’actualité et des narrations de chemins personnels d’auteurs. Mais avec Le Nouveau Nom, c’est enfin un roman que nous avons entre les mains, et qui n’en est pas moins une entreprise littéraaire. Au fil des pages de ce deuxième tome de la saga napolitaine d’Elena Ferrante j’ai été transportée, j’ai été en colère, j’ai été triste et joyeuse, impatiente et bouleversée, émue, heurtée, perdue et retrouvée ! J’ai surtout été affolée par le train d’enfer auquel le récit est mené. Tant de rebondissements, tant d’imprévus et de surprises, tant d’inattendus nous attendent à chaque tournant que nous ne savons où donner de la tête. Rien d’étonnant à cela peut-être puisque nos personnages traversent l’adolescence et les premières phases de la vie d’adulte ; cet âge de la vie qui est caractérisé par l’enthousiasme et l’énergie débordante des vouloirs et des désirs. Grands bâtisseurs de chateaux de sables qui ne cessent de s’écrouler, nos jeunes napolitains dans la fleur de l’âge ne sauront prendre garde au vent et à la tempête. Et nous, lecteurs, ne pourrons faire autrement que de les suivre tête baissée. Voilà le programme qui vous attend dans ce roman, mes chers amis !
Il n’est pas absolument nécessaire d’avoir lu le premier tome de la saga (Une amie prodigieuse) pour savourer pleinement ce tome-ci puisque Elena Ferrante resitue et restitue au début du livre, en quelques pages, tout le passé de nos deux amies et de leur entourage. Et pourtant, d’avoir lu l’enfance de nos personnages me paraît essentiel pour mesurer pleinement la cohérence et le drame de l’évolution des ces filles devenues femmes, de ces garçons devenus hommes. Les voilà ici qui s’engagent dans la vie. Pour certains ils seront confrontés au mariage, aux premières trahisons et déceptions, pour d’autres ce sera les études, le départ au service militaire, l’engagement politique etc. Dans tous les cas les rouleaux de cet océan de la vie ne manquera pas de tourner et retourner l’âme et le corps de nos précieux amis, ces êtres qui sortent du papier pour se faire vivants dans notre esprit comme si de chaire et d’os ils nous accompagnaient dans notre quotidien…
Encore une fois les émotions transpercent nos personnages, les défigurant parfois, de jalousie, d’envie, de frustration ou de désespoir. Et encore une fois nous prendrons le tout en acceptant et en reconnaissant tous les travers qui forment l’humain et qui déforment l’humanité.
Il m’a plu de voir comme Elena Ferrante, dans ce livre, en éloignant géographiquement et affectivement ses personnages principaux, ces deux amies inconditionnelles que nous avions appris à aimer dans Une amie prodigieuse, parvient à les rapprocher avec plus de force encore, le moment venu. Car tout est une question de moment dans la vie. Si chaque moment compte, en échange chacun peut compter aussi sur Le Moment, qui se présentera et l’embarquera dans une nouvelle aventure tant intérieure qu’extérieure.
La beauté se cache au coeur de la laideur et l’obscurité se déploie au coeur de la lumière. Tel est le tableau peint par les mots d’Elena Ferrante, et ce roman, Le nouveau nom, qu’elle nous offre avec la générosité qui lui est coutumière.
Le nouveau nom
(Storio del nuovo cognome)
Elena Ferrante
Traduit de l’italien par Elsa Damien
Éditions Gallimard, 2016 (v.o. 2012)
Les illustrations présentées dans cet article sont :
– Installation de Fabrizio Plessi,
– Photo de Patrick Rochon