Prisonnier du rêve écarlate, d’Andreï Makine

« En revenant dans leur isba de Tourok, ils fêtent l'anniversaire de Lucien. Au dîner, un plat de champignons et du poisson pêché au lac.
Ce n'est pas seulement mon anniversaire, Daria ! dit Lucien. Je suis né un an après la révolution d'Octobre et... Non, je ne veux pas être solennel mais toute ma vie... »

Depuis toujours nous nous laissons transporter par l’œuvre d'Andreï Makine, lisons ses romans dès leur publication. En cette rentrée d'hiver 2025 est paru Prisonnier du rêve écarlate, une histoire d'hier - vingtième siècle - qui nous parle aujourd'hui et en fera autant demain, nous bouleverse par ses vérités qui jamais ne font de concessions à l'hypocrisie engendrée par tout manquement à la subtilité. Le livre nous plonge dans un destin hautement romanesque et chacun pourra méditer le sens des utopies et des convictions intimes qui font d'une vie ses bonheurs et ses malheurs.

Le roman s'ouvre sur le voyage d'un narrateur russophone (alter-ego de l'écrivain peut-être) au côté d'une équipe de tournage. Le cinéaste souhaite réaliser un documentaire sur le devenir des hommes qui ont été des communistes dans l'âme et dès la première heure. Les voilà dans un village reculé en Russie, en quête d'un français, fils d'ouvrier, qui très jeune a été un fervent et actif militant. Le narrateur rencontre une femme russe âgée et francophone qui a très bien connu l'homme en question. Le lecteur découvre alors la vie hors du commun de Lucien Baert, allias Matveï Belov, et l'accompagne des décennies durant après son arrivée à Moscou en 1939.

Mille saveurs, mille faits historiques peuplent ce roman et lui donnent les ailes nécessaires pour traverser ces décennies qui chacune laisse un goût différent par son originalité, ou par son ordinaire quant à l'âme humaine. Où est la grandeur de l'homme, celle d'un pays ou d'une idéologie...
Scènes de guerre en Russie, de vastitude de paysages infinis ou de mondanités parisiennes se succèdent sans jamais sonner faux. Le lecteur est happé par ce récit aux multiples rebondissements, poignant à chaque page.

La littérature seule sait célébrer la beauté de l'homme tout en donnant à voir sa petitesse, son ridicule, son avidité et sa tendresse. Prisonnier du rêve écarlate sait faire cela. De ce roman émane une grâce qui soigne l'âme du lecteur : il est encore possible de lire et de côtoyer un sens commun, une dignité, une constance dans l'amour des choses simples, synonyme peut-être de bonheur.

PRISONNIER DU RÊVE ÉCARLATE
Andreï Makine
éd. Grasset 2025

Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.

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