Pour sortir de soi il faut aimer quelqu’un

Mia Couto est un écrivain sublime, pour bien des raisons mais ici je n’en invoquerai qu’une seule : cet homme raconte une histoire à laquelle il insuffle la force et la liberté d’en raconter une autre, tout autre. Au sortir de la lecture de ce livre nous sommes imprégnés d’une parole, d’une idée, d’un thème traité qui nulle part dans le livre n’ont été évoqués, encore moins articulés. Mia Couto n’écrit donc pas des romans mais de la poésie. Et pourtant c’est un roman que vous achèterez et lirez! Et c’est un conte intemporel et universel que vous y découvrirez…

Nous sommes à Kulumani, un village Africain. Des lions mangeurs d’hommes ravagent le lieu. Les administrations délèguentun chasseur de la ville pour libérer Kulumani du sort qui le ronge. Mais au fil du récit les secrets de ce village se révèlent peu à peu, les personnages se dévoilent et se transforment, pour devenir peut-être ce qu’ils sont réellement. Et nous lecteurs, imperceptiblement, nous mettons à lire cette histoire autre, écrite entre les lignes, qui nous parle des traditions, des femmes, et peut-être et surtout de la condition de la femme, voire de la perversion d’un système qui a oublié jusque l’existence du cœur de la femme ; si tant est que La Femme ait un cœur qui lui est propre, responsable de la lourde charge de recevoir et de transmettre l’Amour et la justice !

Deux narrateurs mènent le récit, d’un côté le chasseur étranger au village et de l’autre une jeune fille du village, elle-même en quelque sorte étrangère à son village. Chacun des chapitres est « énoncé » par un proverbe provenant d’origines divers, ou par des citations emblématiques. Pour la lecture seule de ces proverbes et textes j’aurais été heureuse d’avoir ce livre entre les mains. En voici deux, sélectionnés au hasard :

La seule façon de s’échapper d’un endroit ; c’est de sortir de nous. La seule façon de sortir de nous ; c’est d’aimer quelqu’un.

LYL

Le vrai nom de la femme est « Oui ». Quelqu’un demande : « Tu n’iras pas. » Et elle dit : « Je reste ». Quelqu’un ordonne : « Ne parle pas .» Et elle se tait. Quelqu’un commande : « Ne fais pas. » Et elle répond : « Je renonce. »

J’avais été conquise par la lecture de L’Accordeur de silences du même écrivain, que je vous recommande ; j’ai été bercée par la lecture de La Confession de La Lionne qui coule doucettement comme un long fleuve si faussement tranquille…

Notons que Mia Couto a remporté le Prix Neustadt 2014 pour son oeuvre.

LA CONFESSION DE LA LIONNE
Mia Couto
Traduit du portugais (Mozambique) par
Elisabeth Monteiro Rodrigues
éd. Métaillié, 2015

L’illustration présentée ci-dessus est de LYL.

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