Auteure de nouvelles primées à de nombreuses reprises, Lisa Sandlin enseigne l'écriture à l'Université d'Omaha, dans le Nebraska. C'est avec son premier roman, "Les samaritains du bayou", qu'elle connaît le succès en 2015 et 2016, en remportant notamment le Dashiell Hammett Prize ainsi que le Shamus Award, deux prix de renoms concernant la littérature à suspens américaine. C'est ce roman, ainsi que sa suite " Les oiseaux des marais" que j'ai décidé de vous présenter aujourd'hui.
Nous allons plonger dans l'ambiance moite du bayou texan des années 1970, secoué par le scandale du Watergate.
1973. Delpha Wade est libérée après avoir purgé une peine de quatorze ans de prison pour avoir tué l'un de ses violeurs. A la recherche d'un emploi qui lui permettrait de commencer une nouvelle vie, elle essuie refus sur refus dès qu'elle présente le certificat de la prison de Gatesville. Jusqu'au moment où son conseiller d'insertion place sur sa route un détective privé qui vient de s'installer, Tom Phelan, et qui aurait bien besoin de l'aide d'une secrétaire aussi débrouillarde et sérieuse que Delpha. Dans la foulée, elle obtient le gite et le couvert au New Rosemont Hotel, propriété de la sévère mais attachante Calinda Blanchard, en échange de quoi elle devra s'occuper, le soir, de la vieille tante de Calinda.
Delpha devient vite indispensable au jeune détective, et essaie de se faire une place dans cette ville et dans une société qui a évolué sans elle.
" - Vous aviez écopé de combien ?
- Quatorze ans. »
Phelan retint un sifflement. On pouvait écarter les chèques en bois, l’usage de faux, les détournements de fonds et l’herbe. Il s’apprêtait à poser la question qui fâche quand elle lui offrit la réponse sur un plateau.
« Homicide volontaire".
- Et vous avez purgé la totalité de votre peine ?
- Il était extrêmement mort, monsieur Phelan. »
Entre Phelan, ancien employé sur des plateformes pétrolières et vétéran du Vietnam, et Delpha, une relation de confiance se tisse peu à peu. Par bribes, le personnage raconte des expériences de sa vie carcérale, et certaines rencontres - parfois belles, parfois terribles- qui ont marqué ses quatorze dernières années. Pratiquement la moitié de sa vie, puisqu'elle était mineure au moment des faits pour lesquels elle a été condamnée.
D'enquêtes de routine à des cas plus importants, nous sommes plongés dans un roman noir, à l'ambiance marquée. Du point de vue des enquêtes, d'ailleurs, mon premier ressenti avait été qu'elles n'étaient pas assez creusées, il me restait un sentiment d'inachevé, comme s'il manquait toujours certains éléments. Maintenant, je pense avoir saisi. Les enquêtes que nous suivons sont menées par un détective privé - même deux d'ailleurs ! -, embauché dans un but précis. Trouver une réponse précise. Une fois cette mission achevée, le reste n'a que peu d'importance, il incombe à la police d'obtenir les informations complémentaires. Cela me semble donc tout à fait logique.
Dans le second tome, "Les oiseaux des marais", Delpha se retrouve dans une situation compliquée. L'histoire commence quelques instants après la fin du premier tome, donc si vous l'avez déjà lu vous comprendrez très vite de quoi je veux parler. Pour les autres, je n'en dirai pas plus ! Sachez simplement que son nouvel emploi lui fait côtoyer des individus parfois peu recommandables. Mais Phelan va voler à son secours, et heureusement, car une nouvelle affaire mystérieuse va venir frapper à leur porte.
Un client du nom de Xavier Bell, plutôt étrange, vient demander au détective et à sa collègue de l'aider à retrouver son frère, avec lequel il n'a plus de contact depuis des années. Ce dernier a même, vraisemblablement, changé d'identité ! Qu'est-ce qui a bien pu pousser Rodney Belle à rompre avec sa famille ?
L'ambiance et la vision des années 70, sans oublier l'histoire de Delpha et sa condamnation particulièrement sévère, font la force et l'originalité de l'histoire car certains éléments sont assez classiques. Mais le personnage de Delpha et les petits bonheurs que lui procure la moindre balade en voiture ou un bon repas pris seule dans sa chambre sont particulièrement attachants. Et même si nous ne sommes pas en Louisiane, ce que j'ai pensé en voyant le titre, quelques touches cajun (des mots en français dans le texte, par exemple) nourrissent l'univers et les personnages.
Delpha n'est absolument pas le sous-fifre de Tom Phelan, au contraire. Ces deux romans bâtissent habilement la relation de confiance entre les deux protagonistes, aux caractères assez similaires. Phelan respecte Delpha et n'hésite pas à lui confier d'innombrables tâches, si bien que l'on peut très vite parler de partenariat et non plus de relation patron/secrétaire. Il a appris à respecter ses silences et sa méfiance envers les hommes.
Je lirai avec plaisir la suite des aventures de Delpha et Phelan, car il semble impossible que notre aventure dans le Vieux Sud se termine de cette façon !
La photographie en tête de l'article est d'© Amalia Luciani pour Kimamori.