Attention. Dans ces pages, on parle cinéma, bien sûr, mais aussi bonne bouffe !
L'assassinat d'Orson Welles marque ma première rencontre avec Jérôme Dracéna, le personnage de Jean-Pierre de Lucovich. Ancien enquêteur de la Crim, il avait déjà connu d'autres aventures dans Occupe toi d'Arletty ! et Satan habite au 21. Ici, ce féru de cinéma tente sa chance devant la caméra dans des petits rôles, tout en enquêtant pour des affaires privées. Jusqu'au jour où son ex-femme lui écrit une lettre d'Hollywood, dans laquelle elle l'informe qu'elle a épousé David Wagner, neveu du producteur, et qu'elle sera de passage à Paris avec lui et Orson Welles, qu'ils souhaitent lui présenter. Elle termine sa missive en précisant qu'ils auront sûrement un travail à lui proposer.
Jérôme est alors chargé d'assurer la sécurité d'Orson Welles, tout en devenant son compagnon de table dans toutes les brasseries qui croiseront la route du réalisateur et comédien. Et ce jusqu'à son passage au festival de Cannes, pendant lequel il viendra défendre le film Le troisième homme où il tient un rôle marquant.
« Rappelle toi ce que je dis à Arletty dans Les enfants du Paradis : "Les acteurs ne sont pas des gens! C'est tout le monde et c'est personne à la fois, les acteurs!". »
Les premières pages nous transportent au cœur de ce fameux festival, en 1949, quelques instants après que la balle d'un tireur se soit logée dans un miroir, frôlant Welles au passage.
Puis, retour en arrière, nous vivons la rencontre des deux protagonistes, nous voyons les liens se créer entre les différents personnages et surtout l'avancement de l'enquête que mène Jérôme pour comprendre qui peut bien en vouloir à Orson Welles au point de le menacer et de le faire chanter depuis des jours. Rita Hayworth, son ex-femme ? Un homme qui n'a pas très bien vécu la crise de panique collective produite par l'émission radiophonique d'Orson, "la guerre des mondes" ?
Une fois le postulat de départ posé, la réelle volonté du roman se met en place. Car si l'intrigue, la recherche du maître chanteur, est présente, l'intérêt principal reste le défilé d'anecdotes, distillées grâce à une singulière rédaction qui mêle fiction et réalité.
Je connaissais Orson Welles, bien sûr. Rita Hayworth, Errol Fynn, Simone Signoret, aussi. Mais mes connaissances du cinéma français (et américain) d'après guerre s'arrêtaient là. Aux premières pages, j'avoue être souvent allée chercher tel ou tel nom, me demandant bien qui pouvait être Marcel Dalio ou Daniel Gélin. Je l'admets. Pourtant, au fil des pages, j'ai regretté ce manque de connaissances. J'ai dû passer à côté d'énormément de choses, ne saisissant pas les liens qui pouvaient unir, ou désunir, les uns et les autres. Sans rien en connaitre, j'ai été nostalgique d'une époque que je n'ai pas connue, j'ai eu l'impression de saisir la beauté de films que je n'avais jamais vus, mais que je vais m'empresser de découvrir. Ce petit roman a au moins ce mérite, qui n'est pas des moindres.
Pour les passionnés et les fins connaisseurs de cette époque et de cette ambiance, l'expérience sera encore différente.
Et puis, qu'est-ce qu'on y mange ! Déjeuner, souper, petit-déjeuner, Jean-Pierre de Lucovich nous fait faire un grand tour des tables parisiennes et cannoises, avec menus dans le détail. On s'y croirait. Lisez-le après un bon repas, le ventre plein et en fumant un cigare, sinon vous ne vous en relèveriez pas !
« Il me regardait tout en allumant un cigare.
- Le meilleur moment pour fumer, juste après le petit-déjeuner, me dit-il. Malheureusement, les femmes n'aiment pas ça, alors il vaut mieux les voir plus tard. Vous savez ce que mon ami Groucho Marx , qui fumait huit cigares par jour, a répondu à sa femme qui le sommait de choisir entre elle et le cigare ? " Nous nous quitterons bons amis ! ". »
Les illustrations présentées dans l'article sont (dans leur ordre d'apparition) :
- Georges Bellows, Stag at Sharkey's, 1909
L'auteur de cet article et désormais chef de rubrique Littérature de l'Imaginaire dans le journal bimensuel et sur le site de Kimamori est Amalia Luciani. Découvrez-la par ses propres mots :
Je m'appelle Amalia, j'ai 26 ans. Diplômée d'un master d'histoire, je suis passionnée d'écriture et de livres, tout particulièrement dans le domaine de la fantasy, de l'anticipation et des polars bien noirs et sanglants.
Mes articles sont parus dans divers journaux, dont en 2013 sur le site de l'Express. En 2012, une exposition individuelle à la galerie Collect'Art de Corte a célébré mes photographies, ma seconde passion. Enfin, en 2018, j'ai remporté le prix François-Matenet, à Fontenoy-le-château dans les Vosges avec une de mes nouvelles ayant pour thème l'intelligence artificielle. La même année j'ai co-animé une conférence sur la place des femmes en Corse, du 19ème siècle à nos jours, un des thèmes de mon mémoire de recherche à l'Université.