Un secret si bien gardé
Une amie qui m'est chère m'a offert ce livre. Elle ne savait pas, pourtant, que j'aimais la plume de cette écrivaine japonaise-canadienne ! Ce qui est encore plus surprenant est qu'il y a quelques années, en visite chez une autre amie qui m'est chère, j'étais tombée sur un roman de cette même Aki Shimazaki, Hôzuki, et l'avait dévoré en deux jours. Eh bien, Maïmaï fait suite à Hôzuki !!! Notre écrivaine écrit des collections. En balzacienne japonaise, elle construit son œuvre autour de romans qui regardent vivre leurs personnages des années durant, des générations durant. Chaque livre peut être lu indépendamment des autres. Il peut également faire naître des sensations terriblement fortes dans l'âme de celui ou celle, comme moi, qui connaît ce qui précède. Secrets de famille, informations essentielles qui ont été tues, tout un pan de la vie d'un personnage sont ainsi connus du lecteur fidèle, mais insoupçonnés par le fils, la mère, le voisin du personnage en question. Les romans d'Aki Shimazaki sont beaux, et poétiques. Je vous recommande toute son œuvre. Mais parlons aujourd'hui de Maïmaï.
Nous ne sommes pas ici en présence d'un thriller, et pourtant, une énigme demande à être résolue au fil de l'histoire. Le roman s'ouvre sur le décès de Mitsuko, la maman de Tarô. Et dès les premières pages Tarô se remémore un poème qu'elle a écrit un jour, le seul poème qu'elle ait jamais écrit :
Maïmaï, maïmaï,
Où vas-tu si lourdement ?
Que portes-tu dans ta maison si grande ?
Un chagrin ou un fardeau, ou bien les deux ?
Ah tu ne peux qu'avancer, comme la vie !
Bon courage, maïmaï ! Adieu !
Aki Shimazaki écrit en français, mais ce mot maïmaï, qui veut dire escargot, apparaît tel que dans le texte. A quoi, ou à qui pensait Mitsuko lorsqu'elle a écrit ce poème ? Nous le saurons à la fin du récit.
Au lendemain du décès de Mitsuko Tarô emménage chez sa grand-mère (qui vivait avec sa mère). La librairie de Mitsuko, attenante à l'appartement va être transformée en atelier et galerie d'art du jeune artiste Tarô. Or, Tarô est sourd et muet. Et il est "half", c'est-à-dire de mère japonaise mais de père étranger. Malgré ces deux handicaps il a une amie, qui voudrait même le présenter à ses parents... C'est à ce moment-là qu'il retrouve une amie d'enfance. Tous deux se sentent proches l'un de l'autre, et ils veulent s'aimer.
Vous connaissez certainement l'image des trois singes de la sagesse qui "ne disent pas le mal", "n'entendent pas le mal" et "ne voient pas le mal"... Nous y sommes. Or dans ce roman nous ne sommes pas en présence de métaphore et de symbolismes. Notre personnage n'entend pas, ne dit pas non plus, mais cherche à savoir et à comprendre.
Une décision d'un instant peut avoir des conséquences sur une vie durant. Peut également avoir des conséquences sur la vie de plusieurs générations. Ainsi va la vie. Et c'est ainsi qu'elle est belle. Nous qui sommes lecteurs adorons les histoires qui se nourrissent de petites choses qui deviennent grandes. Et de grandes choses qui se réduisent en peau de chagrin. Mes mots sont énigmatiques car je ne souhaite rien divulgâcher. La seule révélation que je peux faire est que le livre est beau. Alors que le fond peut être vu comme troublant, dans la forme nous ne recevons que douceur, entente, générosité et acceptation. Vous l'aurez compris, j'aimerais lire tous les Aki Shimazaki, car je ne passe m'en lasser.
L'illustration noir et blanc (inspirée des trois singes de la sagesse) est l'œuvre de Madiana Cachacou.
Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.