« C'est donc avec un mélange de peur et d'exaltation que je partis, bien décidé à me comporter en digne et vaillant compagnon de voyage arctique, et ce en maintenant une cadence respectable et en m'interdisant la moindre plainte.
Bien-sûr, ça n'allait pas se passer ainsi. »
Le livre s'ouvre sur une carte de Spitzberg, avec un encadré pour situer l'archipel par rapport à la Norvège, la Finlande, la Suède. Un prologue s'ensuit où le narrateur, Sven, nous dit qu'il va nous raconter son histoire : Certains me connaissent sous le nom de Stockholm Sven, d'autres sous celui de Sven le Borgne ou Sven le Baiseur de Phoques.. Puis s'engage le récit de cette vie, dès l'adolescence du narrateur, né à Stockholm. Il entreprend la vie à laquelle il était destiné, et commence à travailler comme son père dans une tannerie. Mais cette vie ne lui sied pas, sachant que dès son jeune âge il a rêvé des expéditions dans l'Arctique.. On suivra dès lors le fil de ses aventures et mésaventures, et son départ pour le Spitzberg en 1916 alors qu'il a trente-deux ans. On côtoiera sa sœur Olga et les enfants de celle-ci que Sven aidera à élever. Et puis. C'est le travail de minier, un accident qui le laissera déformé mais en vie, son apprentissage de trappeur et naturellement une existence de trappeur solitaire. Amitiés et rebondissements jalonnent son parcours et à chaque page le lecteur est agrippé au livre, pour découvrir la suite, pour s'ébahir de ce monde inconnu et lointain.
On adorera passer du temps dans la cabane de McIntyre l'écossais, relever les pièges ou chasser l'ours au côté de Tapio le finlandais, et l'on sera intrigué par le destin du lieutenant britannique Matthew Hare, totalement subjugué par la petite Skuld, perplexe face à sa mère Helga, la nièce de Sven. Et si l'on retient son souffle à chaque fois que l'on est confronté à un ours polaire, on s'attachera aux deux immenses amis de Sven, ses chiens Eberhardt et Sixten.
Les hommes et les femmes de ce livre sont des forces de la nature, mais très certainement par leur caractère plutôt que simplement par leur constitution physique. Car les rudes épreuves les attendent à chaque tournant, qu'elles fussent dues à l'environnement naturel ou aux comportements de l'homme alentour ; c'est l'endurance et la constance de ces personnages que nous adorerons. Ils seront très vite vivants, dans notre imaginaire, plus en vie que tout être rencontré dans les rues de nos villes et villages ! Étrangement, et pour notre plus grand bonheur, une autre passion est partagée par Sven, McIntyre, ou Hare : les livres et la littérature. Les soirées enfumées par leurs pipes, chacun plongé dans son livre à la chaleur du poêle, dansent sous nos yeux.
Eh oui, je n'en aurais pas fini de vous dessiner les images de ce roman, les grandes traversées de temps et d'espace inscrites en ses pages, ni les périples et aventures rocambolesques qui nous laisseront estomaqués un instant. L'humanité partagée dans L'Odyssée de Sven est celle qui réchauffe le cœur ; l'accord trouvé avec les éléments de la nature est stupéfiant. En lisant le livre, on est heureux, car on séjourne dans la perfection de l'essentiel sans compromis ni tergiversations.
L'ODYSSÉE
Nathaniel Ian Miller
Traduit de l'anglais (américain) par Mona de Pracontal
éd. Buchet-Chastel 2022 (v.o. 2021)
Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.