Comme c’est bon de lire parfois un livre parfait, un écrit qui s’apparente à un classique dans sa maîtrise d’une narration et d’une structure fluides comme l’eau de la rivière qui coule paisiblement. C’est cela que nous offre Isabel Allende dans ce livre, bien différent de ceux qu’elle a écrit auparavant et qui étaient souvent axés sur le Chili. Elle nous raconte ici l’histoire d’une vie. Une vie qui embrasse celle des êtres qui lui insufflent son âme toute particulière, celle de l’Amour pur, fort, bienveillant et inconditionnel. Mais l’Amour dans ce livre est conjugué à toutes les personnes, l’ami, le frère, le mari, l’amant, le père, l’inconnu… Oui, l’Amour peut prendre de multiples visages, mais une vie d’amour n’a qu’une seule face, celle de la Beauté.
Comment vous raconter les branches de ce récit alors que c’est l’arbre et ses racines qui importent ?!
Une dame élégante, d’une famille aisée, de caractère affirmé et dotée de la créativité de l’artiste reconnu emménage dans une maison de retraite réputée pour accueillir des personnes aux conditions modestes mais qui furent des intellectuels ou bohèmes. Au même moment une jeune femme au passé visiblement obscur est recrutée pour travailler en tant qu’aide des personnes âgées. Une amitié se noue entre les deux femmes et pas à pas le lecteur découvre leur histoire, à chacune. C’est ainsi que nous voyagerons dans le temps et l’espace, en Moldavie et en Pologne où elles sont nées avant d’arriver aux Etats-Unis. C’est ainsi, aussi, que nous lirons et vivrons l’histoire des américains d’origine japonaise (première ou deuxième génération) durant la deuxième guerre mondiale. Suite à l’attaque de Pearl Harbor ils furent internés dans des camps et vus comme des ennemis de l’Etat. Ils y restèrent jusque la fin de la guerre et en furent libérés lorsque la Cour Suprême acta une loi promulguant l’interdiction d’enfermer des citoyens américains dans des camps… Mais surtout nous lirons les deux grandes histoires d’amour d’Alma, cette dame élégante qui n’a jamais vécu que pour et par amour, de son mari, âme-soeur par essence, et son amant japonais, l’être qui n’est autre qu’elle-même dans ce souffle de vie qui l’anime.
Le livre fourmille de rebondissements, regorge d’êtres merveilleux et hors du commun, brasse de grands destins et de grands malheurs. Mais Isabel Allende réussit l’exploit de tisser tout cela dans un fil soyeux de douceur. Jamais le récit ne fait mal au lecteur, quels que soient les déboires visités. Et le livre porte un vent d’espoir si solide que sorti du récit on croira à la beauté de l’être humain, à sa capacité de faire don de bonté et d’intelligence une vie durant sans faillir. Eh oui, c’est en cela que je parlais de l’esprit des classiques. Les personnages sublimes y vivaient ! Dans les romans contemporains on ne les rencontre plus. Serait-ce parce que les écrivains contemporains ne savent plus intérioriser la dignité et la grandeur pour nous les restituer avec conviction ?… Isabel Allende ferait-elle preuve d’une intériorité sublime ? Pour ma part j’ai été nourrie par ce nectar qu’elle a fait couler dans mon âme et je lui en suis mille fois reconnaissante.
J’ai lu le livre dans sa version anglaise mais le livre est bien traduit en français. Sans une once d’hésitation je vous invite à le lire. Et, puisque j’aime un peu mieux la couverture du livre anglais, je vous l’offre ici :
L’AMANT JAPONAIS
Isabel Allende
Traduit de l’italien par Jean-Claude Masson
Éditions Grasset, 2016 (v.o. 2015)
Ce livre m’a rappelé une autre lecture que j’avais énormément aimé et qui m’avait offert la même douceur, L’Amour aux temps du choléra de Gabriel Garcia Marquez.
Les oeuvres présentées dans ce article sont de Felix Valloton.