Je suis très éprise de littérature asiatique en général, et de la littérature japonaise en particulier. Le styles épuré, la narration élaguée, le dire profond dévoilé entre les mots… tout cela me charme, me captive. Avec « Jardin de printemps » j’ai baigné dans tout cela. J’ai aimé ce récit pour sa simplicité, cette simplicité qui en dit long sur l’émotion, sur le bonheur et sa quête. Parce que simplicité ici se conjugue avec subtilité, cette chose qui se revêt de mille nuances. Ce n’est pas étonnant que Tomoka Shibasaki ait remporté le prestigieux prix littéraire Akutagawa avec ce roman, l’année de sa sortie !
Taro habite seul dans un un immeuble résidentiel du quartier Setagaya à Tokyo. Il est divorcé depuis trois ans et il mène une vie qui est loin d’être palpitante. Son immeuble, comme bien d’autres dans le quartier, va être vendu et rasé pour faire place à une construction plus récente et plus rentable. Les habitants de l’immeuble s’en vont progressivement. Il se lie d’une forme d’amitié énigmatique avec ses deux voisines, les dernières qui n’ont pas encore déménagé. Aux côtés de l’une d’elle, Nishi, il s’éprend d’une maison accolée à leur immeuble qui date de plusieurs décennies.
Nishi est architecte et illustrateur de bandes-dessinées. Cette maison voisine « la maison bleu ciel » est la raison pour laquelle elle a loué cet appartement. Depuis son adolescence cette maison la fait rêver. Habitée autrefois par un producteur de cinéma célèbre et sa compagne qui était une actrice, la maison a fait l’objet d’un livre où l’on pouvait voir le couple dans des mises en scène de vie quotidienne prises en photo dans chacune des pièces et dans le jardin. Nishi s’est faite une représentation du bonheur et de l’enchantement du couple au travers de ces images, de cette maison. Et c’est ainsi que Nishi et Taro vont tous deux tenter de recoller les morceaux de leur vie à partir des espaces imaginées de cette « maison bleu ciel ».
Je vous ai à peu près tout dit de l’histoire en ces quelques mots. Lire ce livre, c’est construire un puzzle, ou plutôt le déconstruire pour lui donner la chance de se construire ultérieurement… Nishi et Taro sauront-ils travailler l’architecture de leur vie en s’inspirant des plans d’une maison ?
Le récit nous détaille les fleurs, les arbres, les rues et sentiers d’un quartier. Les couleurs, les saisons, l’impermanent, l’éphémère et l’immuable se donnent la main et surprennent Taro lors de ses promenades. Il voit le quartier évoluer alors que sa vie fait du sur place. Il chemine. Et nous cheminons à ses côtés…
JARDIN DE PRINTEMPS
Tomoka Shibasaki
Traduit du japonais par Patrick Honnoré
Editions Picquier, 2016 (v.o. 2014)
Prix Akutagawa 2014
L’illustration présentée est de David Hockney