Je ne saurais parler de ce livre… et pourtant je vais m’efforcer d’écrire quelques mots à son sujet parce que je m’en voudrais de ne pas me consacrer à en faire l’éloge, quand bien même cet écrit serait trop grand pour la petite kimamori que je suis. Et puis surtout, ce livre contient un monde dans lequel tout un chacun devrait prendre part afin de le faire vivre encore et toujours. Plus que tout autre texte celui-ci a sa place dans ces modestes pages qui ont eu la prétention de porter le nom de kimamori, le garde de l’arbre, qui invite l’abondance des fruits d’une saison sur l’autre, d’une récolte à l’autre, d’un espace d’édition vers le suivant. Et je reprends de nouveau l’extrait de ce livre, cité dans mon préambule, dont j’aimerais rester éternellement imprégnée, « Ce qu’ils nous crient et que nous feignons souvent de ne pas entendre : c’est qu’à l’impossible chacun de nous est tenu ».
Il est souvent question de communisme de nos jours, de cette idéologie qui faisait front à un trop plein de capitalisme ravageur, et qui n’est plus ; notre univers étant devenu uniformément économique et financier. Et l’Art, de vivre, serait-il une vertu, un combat peut-être qui préserve l’Engagement au quotidien, envers et malgré tout ? Cet art est ici illustré par la vie d’un Tolstoï, par celle d’un Lowry et puis d’autres, mille autres qui se sont croisés ou qui eurent pu se croiser au Mexique, terre étrange s’il en est.
Chacun des hommes et des femmes qui fourmillent dans les pages de ce livre ont écrit leur livre, le livre de leur vie, à l’aide d’une plume, d’un pinceau de peinture, ou d’une arme. Une conviction profonde les a menés, les a guidés, les a portés. Que celle-ci ait été trahie, incomprise ou mal ancrée ne change en rien son action : elle aura transformé le monde par sa seule vaillance, par sa seule présence dans une âme humaine.
Léon Tolstoï s’exile, Malcolm Lowry erre, Frida Kahlo sombre, André Breton faillit dans la tâche de l’écriture, mais pas un instant ils ne cessent de prêter foi à cette chose qui les porte et qu’ils n’abandonneront pas, ni même les jours où ils sont abandonnés de tous. Tant de destins s’expriment dans Viva, tant de cœurs battent en choeur que le lecteur pourra être submergé par le dynamisme, la force, le mouvement incessant qui animent ce livre. Mais joignons-nous tout de même à ce « Viva » qui traverse les profondeurs du temps et les méandres de l’espace et suivons le sentier tracé par la plume de Patrick Deville.
Je conseille à tous ceux qui n’ont pas encore lu cet écrivain de commencer par se plonger dans « Peste et Choléra » (Prix Femina 2012) qui eût pu et eût dû probablement être le lauréat du Prix Goncourt 2012. Encore un livre dont je n’ai pas su parler dans ces pages et qui m’était pourtant moins inaccessible que celui-ci par l’envergure de son érudition dévastatrice irisée d’anecdotes et de détails foisonnants !
VIVA
Patrick Deville
éd. du Seuil, 2014