Quand on s'y attend le moins !
Quel bonheur de lire Marie Sizun ! Cette écrivaine a l'art de nous offrir de la légèreté, du pétillant et relevé au sein même d'une histoire requérant de la profondeur. Nous l'avons connue et aimée avec son recueil de nouvelles Ne Quittez pas, dont elle nous avait lu plusieurs extraits l'année dernière durant le confinement de printemps. Elle nous revient avec un roman qui sait dire l'amour, la famille, et le retour vers une douceur de vivre oubliée. J'ai eu un tel plaisir à lire ce livre que je ne cesse de le recommander depuis, au sein de tous les clubs de lecture que j'anime. Je pense en effet que c'est précisément un tel roman que notre âme désire accueillir aujourd'hui, en ce début d'année 2021.
Le personnage principal, Claire, est parisienne. Elle travaille dans une compagnie d'assurance. Dès les premières pages nous apprenons qu'elle a une maison de famille en Bretagne, dans laquelle elle ne se rend plus depuis que sa mère et sa grand-mère sont décédées, elles qui y ont séjourné jusque leurs dernières heures. L'agent immobilier qui gère les locations estivales de cette maison exige néanmoins que des travaux y soient faits pour offrir le confort requis aux vacanciers. Voilà notre Claire qui décide sans hésitation de mettre la maison en vente. Tout est arrangé pour qu'elle se rende sur les lieux quelques jours et signe les contrats avec notaire et agent immobilier. Elle s'y rendra le dimanche suivant. Seulement un événement imprévu chamboulera son agenda. Elle sera dans l'obligation de rester un peu plus longtemps sur place. Et ces quelques jours apporteront d'immenses transformations en elle, et dans la vie à venir qu'elle se réserve.
L'histoire paraît lue d'avance n'est-ce pas ? Avant même d'avoir lu le roman vous vous dites que cette Claire, et son univers, vous les connaissez bien, tout comme si vous aviez déjà lu le livre. Oui, je pensais comme vous. Or dans les cinquante premières pages j'ai eu un choc. J'étais à mille lieues de penser que l'événement imprévu, que je viens d'évoquer, pourrait être d'une telle ampleur et gravité. J'avoue, j'ai eu peur. Et Claire a eu peur. Toutes deux craignions de pousser plus loin. Mais la suite nous réservait de la beauté, avec toujours ce petit piment nécessaire à l'être humain, cette part d'adversité qui nous force à nous mirer dans le miroir réfléchissant.
Marie Sizun, avec brio, mélange les genres dans son récit. Alors que nous posons les pas dans un roman qui semble vouloir être un doux parcours de redécouverte d'une maison et d'une famille désagrégée, très vite nous sommes dans un polar. Noir, de surcroît. Le lecteur se rebelle, ah mais je n'avais pas choisi ce plongeon effrayant dans un thriller menaçant. Mais l'enquête policière est exquise. Elle apporte une part de réalisme, un peu d'éclairage sociologique. Elle pose des rails. Et tout en excellant dans la structure et les détours d'un roman policier, l'écrivaine mène son récit premier et le rend plus vivace. On se promène alors en compagnie de Claire. Chemin faisant, nous faisons la connaissance des résidents du lieu, certains qu'elle rencontre pour la première fois, d'autres qu'elle a connus autrefois, toutes les années où elle venait dans cette maison pour ses vacances. Nous acceptons, à ses côtés, de connaître les femmes de cette famille, et de les reconnaître plus loin, autrement.
La maison de Bretagne sait accueillir avec grâce de grands contrastes, sans en avoir l'air. La sœur de Claire, par exemple, aux antipodes de son aînée prend de la place.. par son absence. Le voisin journaliste porte bien des révélations, mais non pas par sa plume. Le jour et la nuit s'allient ici pour faire de la vie ce qu'elle souhaite être. Et les destins, les choix des personnages, s'inscrivent dans l'alliance de ce jour et de cette nuit. Car la joie profonde prend les rênes, pour animer les personnages, pour faire danser les caractères de chaque page et pour enchanter le lecteur.
LA MAISON DE BRETAGNE
Marie Sizun
éd. Arléa 2021
Prix de l'Académie Littéraire de Bretagne et des Pays de La Loire, 2021
Sortie poche folio juin 2022
Les illustrations présentées dans l'article sont :
- Photographie © murielarie pour Kimamori.
- Peinture de Boco,
- Image de Bretagne (Carantec, Morlaix).
Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.
Comments
Chers amis de Kimamori, un grand, grand merci pour cette chronique si vivante et personnelle illustrées de photos si belles… Et je ne découvre cela qu’à l’instant , très touchée de l’attention que vous avez apportée à mon livre! Merci chère Yassi Nasseri dont je ne connaissais que la voix mais que je retrouve ici parfaitement…
J’imprime et range soigneusement ces pages qui me touchent au coeur dans mon pressbook .
Merci encore ! A bientôt j’espère
Très chère Marie,
Merci de la part de toute l’équipe Kimamori pour votre message qui nous touche. Et je me joins à tous les lecteurs, qui régulièrement nous reparlent de La maison de Bretagne, pour vous remercier de ce très beau roman.
Yassi