L'éternel destin des librairies..
Nous qui aimons les livres, aimons les maisons qui les accueillent. Dès lors, la librairie, toute librairie, est proche de notre cœur. Et nous savons bien, aujourd'hui mieux encore qu'hier, à quel point l'aventure d'un libraire est en soi une œuvre colossale. Faire vivre les livres, les faire connaître, et être une entreprise qui perdure est un pari audacieux. Le roman de Penelope Fitzgerald nous transporte dans un tel destin. Livre intemporel qui relate par ailleurs le réseau de pouvoir dominant dans une petite ville anglaise, le roman s'avère poignant. Un immense merci à la maison d'édition La Table Ronde qui resuscite ce texte dans sa collection Petit Quai Voltaire : un beau livre à un prix très abordable. Un cadeau à offrir, à soi et aux autres !
« Au cour de l'année 1959, il y eut certaines nuits où Florence Green n'était pas vraiment sûre d'avoir dormi. Elle avait des soucis : fallait-il ou non acheter The Old House, une petite propriété dotée de son propre entrepôt en bordure de plage, pour ouvrir ce qui serait l'unique librairie de Hardorough ? »
Vous venez de lire les deux premières phrases de La Libraire. Et tout est déjà dit, comme seul les excellents romans savent le faire. Tout est dit, mais tout reste à vivre. Alors nous accompagnerons Florence Green dans les phases préliminaires de la création de sa libraire, à commencer par les rendez-vous chez le banquier et le notaire, bien-sûr ! Et par petites touches savamment distillées nous rencontrerons les personnages importants et influents de la petite ville de Hardborough. Certains nous charment, d'autres nous amusent, et quelques uns nous inquiètent. Plus que tout, nous nous attacherons à Florence, la future libraire, pour sa modestie, ses doutes, et sa fermeté lorsqu'il s'agit de défendre les valeurs essentielles qui l'animent. Mais parviendra-t-elle à porter son projet. Son mérite et ses rêves seront-ils plus forts que les mille obstacles qui s'érigent sur son chemin. Et surtout, la petite communauté de Hardborough laissera-t-elle faire cette jeune femme, dotée de tant de bonne volonté. Le suspens sera maintenu jusque la fin du roman.
Une fiction n'est pas là pour nous mentir. Et la peinture faite ici de cette petite société anglaise est malheureusement bien réaliste. Nous retrouvons cette communauté partout ailleurs, telle quelle, que nous soyons dans les pays du nord, ou du sud. L'être humain et ses motivations sont formidablement croqués sous la plume de Penelope Fitzgerald. Rappelons qu'elle a remporté les plus prestigieux prix littéraires. Et vous ne serez pas étonnés d'apprendre qu'elle a commencé à écrire dans sa soixantaine, après avoir été journaliste à la BBC, directeur d'un magazine littéraire... et libraire ! Avec finesse, humour et grâce l'autrice nous raconte des histoires qu'elle connaît bien.
J'ai été particulièrement frappée par l'adresse du récit qui nous plonge dans le quotidien de cette libraire. Comme elle, nous oublions les difficultés parce que nous les vivons au quotidien. Et nous nous amusons de tous les petits événements succulents ou grotesques, qui se produisent dans le lieu. Le personnage de son employée, quant à lui est finement dessiné. Car Florence ne peut s'en sortir toute seule. Elle cherche à recruter. Il n'est pas question pour les habitants de Hardborough qu'elle fasse appel à une personne extérieure à la ville. La solution sera toute trouvée : Mrs Gipping a une large progéniture ; les deux aînées sont déjà occupées, c'est donc la troisième enfant, Christine, qui aidera la libraire. Elle a onze ans ! Elle travaille en sortant d'école. Et elle s'avérera extrêmement efficace, dotée de bon sens, et autoritaire avec les clients quand cela est nécessaire.
Je pourrais continuer de vous parler longtemps encore de ce roman, de ses personnages, des mille petits riens qui y bourgeonnent. Mais j'aime mieux vous inviter à les vivre personnellement. Certains parmi vous auront vu le film, adapté de ce livre, et seront heureux peut-être de lire maintenant le roman. Car, je vous le disais plus avant, l'objet livre est lui-même beau, avec des illustrations, des feuilles au toucher agréable, de la couleur insérée à chaque page. Et cela vous aidera à faire face à l'esprit frappeur qui hante The Old House, ce bâtiment historique qui n'a pas été habité depuis des années. Eh oui, une petite saveur de film d'horreur apporte son brin de piment supplémentaire à ce très beau roman de Penelope Fitzgerald.
LA LIBRAIRE
Penelope Fitzgerald
Traduit de l'anglais par Michèle Lévy-Bram
éd. La Table Ronde
Collection Petit Quai Voltaire
Les illustrations présentées dans l'article sont :
- Image issue du blog Northampton Vintage Fair,
- Peinture de Janet Olney.
Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.
Comments
Bonjour, Kimamori
Bravo et merci pour toutes les chroniques et cet appétit de la découverte qui inonde chacune des pages de la lettre.
Le roman la libraire a été porté au cinéma de très belle façon par Isabelle Coixet sous le titre « The book Shop » à voir pour compléter la lecture.
Chère Cécile,
Merci pour votre message qui me touche beaucoup.
Je n’ai pas encore vu le film « The Bookshop », et j’avais hésité à en parler. Aussi votre commentaire est bien précieux, je vais m’y intéresser très vite!