Quel étrange livre que cette « Fabrique des illusions ». Au parfum de bestseller inoffensif, Palladio inspecte en réalité des questions essentielles. Ce n’est pas pour rien que cet écrivain est comparé à Jonathan Franzen, figure très en vogue des lettres américaines contemporaines. Et n’oublions pas que son livre « Les Privilèges » avait fait partie de la sélection du prix Pullitzer en 2011.
Jonathan Dee nous invite ici à suivre le cheminement de deux personnages, Molly et John, et au travers d’eux, peut-être, celui du monde capitaliste. Molly naît et grandit dans la petite ville d’Ulster qui ne doit son existence économique et démographique qu’à la firme IBM installée là. Le désenchantement de sa mère et la déshumanisation de son père auront certes des conséquences sur son évolution et celle de son frère mais non pas nécessairement ceux escomptés. John de son côté quitte sa Caroline du Sud, fait ses études d’Histoire de l’Art à Berkeley et travaille à New York dans une agence de publicité. Tout va bien dans le meilleur des mondes mais John fait une rencontre, un homme qui pourrait être un futur Palladio de l’art moderne, porté par le souffle de la publicité et les finances des annonceurs (du client). John quittera sa vie, son confort et son avenir prometteur pour se lancer dans une nouvelle aventure professionnelle aux côtés de Malcolm, cet homme imprévisible et épris d’art véritable. Et nous, lecteurs, serons transportés dans ce même voilier étincelant qui vole de vague en vague. Mais Mal – diminutif de Malcolm – qui pense oeuvrer en grand architecte de l’Absolu artistique ne serait-il pas en train de construire qui court à sa perte, fracassante? Tout comme Molly, jeune femme énigmatique et ensorcelante qui ressurgit dans la vie de John… Pour le meilleur ou pour le pire les trois personnages phares se trouveront réunis dans une relation pyramidale.
Le livre est simplement envoutant. Je le lus en deux jours et ne compris mon malheur qu’arrivée vers la fin du récit, pantoise et dépitée. L’exaltation laisse place au choc qui semble atterrir dans un néant qui défile et nous confronte à un univers vide de sens produit par cette formidable fabrique des illusions. Le voyage au pays de Dee en vaut la peine!
LA FABRIQUE DES ILLUSIONS
(Palladio)
Jonathan Dee
éd. Plon 2012 (v.o. 2002)
Traduit de l’anglais par Anouk Neuhoff