Quatre saisons avec Italo Calvino
En avril, avec un Cahier de l’Herne, est arrivée la première floraison Calvino. Ce beau volume est un mode de reconnaissance, de consécration : Nabokov, Michon, Echenoz ou Modiano ont suivi Giono, Colette ou Quignard. On y trouve de nombreux inédits de l’auteur, des analyses et commentaires de ses amis Pavese, Natalia Ginzburg ou Elio Vittorini, des textes de Yannick Haenel, Hervé Le Tellier ou Paul Fournel. Les débats ou polémiques avec Pasolini figurent également dans ce riche volume. Bref, Calvino est à sa place dans la collection évoquée. Une phrase tirée de Pourquoi lire les classiques suffit à dire pourquoi on le relit : « un classique est un livre qui n’a jamais fini de dire ce qu’il a à dire ». Ainsi, lire Le Baron perché ou Marcovaldo est déjà le relire. On commence au collège ou au lycée. C’est une façon d’apprendre. Soit à se rebeller sans s’isoler, ou à aimer la nature, en la cherchant où elle se cache le mieux : en ville. L’adulte ouvre à nouveau ces romans en sachant mais il découvre, aussi. Quant à Si une nuit d’hiver, un voyageur, l’un des romans les plus inventifs du siècle passé, c’est une source infinie d’inspiration pour qui veut écrire.
Histoire et géographie : dès le début les deux savoirs sont mêlés. Calvino a passé son enfance et son adolescence en Ligurie. Non loin de Turin où il rencontre Pavese, son mentor et travaille comme éditeur chez Einaudi. Non loin de la France dont il parle parfaitement la langue : il deviendra « ermite à Paris » dans les années soixante-dix.
Sa ville est San Remo. Il la décrit dans Le sentier des nids d’araignée. Mais elle n’est cependant pas celle que nous imaginons avec sa promenade touristique en bord de mer, ses luxueuses villas et son casino. Le jeune homme qui s’est engagé au côté des partisans en 1943 montre une cité sans grâce, labyrinthique, toute en ruelles obscures et recoins. Sa vision n’en est pas naturaliste pour autant. Il veut rendre « la saveur âcre de la vie que nous venions de vivre » et explique dans une préface de 1964, que tout le problème de ce rendu était d’ordre poétique. Calvino est très jeune, il sort des maquis et voit dans son premier roman publié une « note de joyeuse crânerie ». Ses personnages ne sont pas héroïques, plutôt débrouillards. Comment, en effet, écrire sur ce grand moment de l’Histoire italienne ? Surtout en 1947, en pleine glorification de la Résistance, incarnée par exemple par Rome, ville ouverte ? Pavese le signifie dans La maison dans les collines : « Tous ceux qui tombent ressemblent à ceux qui survivent, et leur en demandent raison. » On est loin des idéaux. Loin des thuriféraires comme des détracteurs de la Résistance.
ITALO CALVINO - Romans
Collection La Pléiade
direction Yves Hersant
traductions de Yves Hersant, Martin Rueff et Christophe Mileschi
éd. Gallimard 2024
Cahiers de l'Herne - Italo Cavino
direction Martin Rueff et Christophe Mileschi
éd. de l'Herne 2024
Article de Norbert Czarny.
Norbert CZARNY a enseigné les Lettres en collège, il est critique littéraire et écrivain. Ses articles sont disponibles à La Quinzaine littéraire, En attendant Nadeau et L’École des Lettres. Son dernier livre, Mains, fils, ciseaux, éditions Arléa, est paru en 2023.