Des rivières de contes...
Parfois on a envie de lire une belle histoire, merveilleusement racontée. Autour des fêtes de fin d'année par exemple, ou durant les vacances, lorsqu'on est détendu et que l'on est ouvert aux émotions pures et à la beauté intemporelle. Il était un fleuve, de Diane Setterfield, est le roman parfait pour ces jours-là. J'ai été transportée dès les premiers mots, les premières pages. Et les quatre cent soixante-dix pages du livre ont été un nectar de douceur et d'imaginaire. On remonte le fleuve, on le descend, on prend des cours d'eau secondaires, et c'est ainsi que l'on comprend l'eau : l'eau comme source de vie et comme courant d'une vie. Tant de vies se croisent ici, de destins et d'histoires se rejoignent... pour nous ravir !
Le roman s'ouvre sur un événement hors du commun qui se déroule dans une auberge. Mais attention il ne s'agit pas de n'importe quelle auberge. De toute les auberges alentour celle-ci a la particularité d'accueillir les histoires. L'on y va pour entendre les conteurs hors pair qui s'y rendent depuis toujours. L'on s'y rend pour s'informer des dernières nouvelles du village et de ses alentours. Et justement, ce soir-là, l'étrange et l'extraordinaire se sont invités là. Un géant et un pantin sortent du fleuve. L'un blessé, l'autre sans vie... mais bientôt tous deux seront en vie. Et le pantin qui s'est avéré être un enfant, ressuscité, sera réclamé et désiré non pas par un couple de parents, mais trois mères et bien d'autres qui secrètement auraient désiré l'être ! La question se pose, qui est donc cette petite fille ? Est-ce l'esprit scientifique de l'infirmière qui saura dénouer les fils de l'énigme. Seront-ce les habitants d'autres villages, ou de la capitale ? L'enchantement et les rebondissements cueillent le lecteur à chaque détour, page après page jusque la fin du récit...
Ah ! Comme j'ai aimé tous ces moments passés à Radcot, sur la Tamise, dans l'auberge qui se nomme Le Swan. Raconter des histoires, et s'informer de l'actualité est même chose ici. Les uns et les autres se rendent dans cette auberge pour s'informer, pour savoir, et pour passer un moment succulent à faire le tour d'une même histoire mille fois pour en retirer le suc, exposer les tenants et aboutissants. On aime le vivre ensemble ici. Et puis on s'entraîne à l'art du conteur, celui de tenir en haleine, de tourner joliment les phrases et captiver son auditoire. Bien entendu l'histoire se déroule cependant que ces mêmes histoires se racontent. Et, vous l'aurez compris, les personnages de ce roman sont hauts en couleur, les fils magiques qui les relient, les rapprochent, les éloignent non pas cousus de fil blanc mais d'un soyeux doré ! L'âme humaine est parfaitement croquée et ce n'est pas uniquement en raison d'un peu d'excentricité Darwiniste qui se fait jour à l'époque où tout cela se passe.
Il était un fleuve nous offre une très belle histoire. Les frontières du réel et du légendaire sont volontairement floues. L'enfant trouvé pourrait être la fille de la rivière, ou de ce passeur qui décide quel naufragé fera retour sur la berge des vivants et quel autre sur la berge de l'invisible. Mais rien ne nous choque car comme je vous le disais plus avant les personnages sont bien campés. Le bien et le mal se côtoient. L'amour, la détresse, le chagrin, la vilenie, la solidarité, tout cela se joue sous nos yeux et s'empare de telle et telle personnalité forte ou effacée. Le lecteur s'attache aux personnages, accepte leurs failles, s'enlise à leur côté et se fait perspicace en leur compagnie. Et l'on revient toujours à l'élément eau. Et on refait toujours chemin vers cette auberge qui accueille, réunit, choie et se souvient de tout ce qui s'est passé depuis la nuit des temps.
Une certaine magie opère dans ce livre et l'écrivaine y est pour quelque chose ! Il était un fleuve est le troisième livre de Diane Setterfield. Elle a gagné son lectorat avec son tout premier roman Le treizième conte, qui a eu un succès fou, désormais disponible en format poche. Je n'ai qu'une envie : m'y plonger. Nous avons là une littérature délicieuse qui a su s'abreuver à l'art ancien de l'oralité. Vous vous rappelez le nom de cette épopée indienne ancienne : l'océan des rivières de contes ? Nous y sommes, un peu, ici, dans ce vaste océan ; et pour notre plus grand bonheur.
Notons que tous les romans de Diane Setterfield sont disponibles en français, publiés par les éditions Plon. Et je n'oublie pas de vous dire que la présente traduction est l'oeuvre de Carine Chichereau, magnifiquement réalisée.
Les images présentées dans l'article sont les peintures de :
- Gill Bustamante,
- Claude Monet.
Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.