Je feel pas good. Tu feel pas good. Écrivons un feel good ensemble !
Saviez-vous qu'un écrivain pouvait récupérer ses droits d'auteur auprès de son éditeur en le provoquant à un duel ? Car c'est précisément ce que l'écrivain belge Thomas Gunzig, ceinture marron de karaté, a fait. Son duel avec l'éditeur, qui était ceinture rouge de Taekwondo, s'est déroulé pendant la Foire du Livre de Bruxelles ! C'était en 2008. Et l'écrivain n'en était déjà plus à son premier écrit à ce moment-là. Rappelons que depuis 2003 il est publié en France par les éditions Au diable vauvert, pour le grand bonheur de ses lecteurs et fans.
Je découvre cette plume aujourd'hui, en 2019, avec la parution de son tout dernier roman au titre curieux Feel good. Un "feel good", vous le savez, est un livre qui vous fait vous sentir bien. Et un roman qui porte ce nom, nous fait-il cet effet ?! Trouver son épanouissement, qu'est-ce donc, comment, pourquoi... Au travers d'une histoire tant actuelle que réaliste l'écrivain aborde la difficulté de vivre et d'être heureux lorsque les moyens financiers ne sont pas là pour y remédier. Drôle, rafraîchissant, très lisible, Feel good pourrait être vu comme un conte de fée moderne, à la seule différence qu'il n'est pas d'autre sorcière dans ce roman que celle à la voie très économique.
Il faut commencer par dire que ce roman drôle. La plume est dotée de légèreté, les situations frôlent souvent le comique. Les personnages sont attendrissants par une forme de drôlerie qui leur appartient. Et pourtant le récit nous offre un croquis de la société actuelle, impitoyable et rude. Tout se calcule dans la vie, tout se chiffre, et lorsqu'on est dans la situation de faire constamment des additions et des soustractions, on est en général, au mieux, "tout juste". Car sans être misérable et totalement démunis les personnages principaux de Feel good ont du mal à joindre les deux bouts, à parvenir à clore raisonnablement leurs fins de mois. Et puis ils sont aussi un peu différents, un peu décalés, un peu dans la marge. Seulement un peu, mais suffisamment pour ne pas pouvoir prétendre aux plus hautes études, aux meilleurs cursus, à un avenir tout doré et argenté. Nous les rencontrons enfant, les accompagnons dans leur jeunesse puis restons avec eux alors qu'ils sont des adultes mûrs. Ils ont espéré, ils ont cru, ils ont eu des rêves, et maintenant dans la quarantaine, ils n'en sont que là. Ils n'ont pas rencontré de réussite notable. Ni Alice qui a passé la majeure partie de sa vie professionnelle à vendre des chaussures dans une jolie boutique de chaussures avant de se retrouver au chômage, ni Tom que les parents avaient vu comme extra-ordinaire et qui n'a rien fait d'autre que d'écrire des livres de seconde zone avant de se faire quitter par se femme, Pauline, qu'il n'a jamais aimée réellement et qu'il a épousée à défaut de...
Voilà donc le tableau, très rapidement brossé. C'est avant que. Alice ait une grande idée. Une très mauvaise idée. Avant que cette grande idée, très mauvaise idée, lui fasse croiser le chemin du grand écrivain raté Tom. Et dès lors, tout peut se passer. De grandes choses, graves, peut-être malhonnêtes, peut-être miraculeuses, peut-être fantastiques. Vous ne serez pas étonnés si je vous dis que le fils d'Alice se nomme Achille !
Si vous êtes en train de penser à Tom Pouce, à Alice au pays des merveilles et à l'Odyssée, je vous arrête de suite. Car j'ai bien parlé de conte de fée mais n'oublions pas le mot qui était accolé : moderne. La situation est on ne peut plus actuelle, et par la plupart de ses facettes plausible et réaliste. L'écrivain Thomas Gunzig a bien des techniques à sa portée pour nous le signifier. A commencer par tous les prix de tous les objets et aliments achetés par les personnages qui sont spécifiés, entre parenthèses, au centime près. Et même si la fille de Tom et de Pauline a été nommée Chloé pour la Chloé de l'Écume des jours de Boris Vian, la première chose que l'on nous dit est que la crèche coûtait une fortune et que Pauline a dû passer à mi-temps pour pouvoir s'occuper de la petite. Eh oui, comment peut-on trouver de la place pour le rêve dans un monde si petit, où les revenus honnêtes ne suffisent pas pour mener une vie douce. Nous avons bien entendu quelques apparitions de familles fortunées dans le roman. Une fortune qui ne semble pas rendre bon ni charitable...
Je m'abstiendrai de vous dévoiler la suite. Mais je peux vous dire, aussi étonnant et inattendu que cela puisse paraître que la suite et la fin sont douces. Le soutien, la tendresse, la solidarité, la compréhension mutuelle, et même l'amour s'en mêlent. La force de l'écrivain est qu'il ne laisse pas de place aux mots et aux phrases galvaudées. Le lecteur y verra de l'attachant et de l'attendrissant. L'écrivain, lui, ne fait que mener bon train son récit. Il n'a pas peur d'y inviter des actions peu morales. Il ne craint pas d'y broder de la droiture aussi. Mais autrement, avec simplicité peut-être. Et l'histoire est jolie, et l'on est en effet heureux d'être plongée dedans. Le roman se lit facilement et vite. Et in fine c'est un état d'épanouissement personnel qui pourrait caractériser le cheminement des personnages. Un braquage littéraire serait le projet de ces deux êtres accablés. La libération est l'objectif. Et parce que c'est un Feel good, c'est possible !
Les illustrations présentées sont les œuvres de :
- Isa Amalee
- Noura K.
Les deux peintures ont comme titre : "un écrivain".
Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.