« En parlant, j'ai fermé les yeux pour trouver la lumière des mots dont j'avais besoin pour me frayer un chemin. »
Un prologue ouvre le roman. Nous sommes avec la narratrice, personnage incarnant l'auteure, dans un moment critique de sa vie : ce prologue se clot sans nous situer dans l'histoire qui va suivre : on reprend alors tout depuis le début. Entendez par là l'histoire d'une famille en remontant dans les générations, et l'Histoire des Rastafari depuis l'origine de ce mouvement. Le récit suivra cette marche tout du long, en détaillant le destin de chacun des parents, et de leurs parents, puis du couple et des enfants qui seront issus de leur union. Tout cela savamment posé dans la complexité grandissante de l'univers familial et de l'influence Rastafari.
Nous qui avions écouté Bob Marley, avions dansé sous ses notes et nous étions réjouis des slogans Jah Rastafari serons éberlués à la réalisation de leur histoire, de la persécution dont ils ont fait l'objet et des conséquences effroyables qui en ont découlé. Surtout, le lecteur pourra saisir le sens profond de la nécessité d'écrire, celle qui malmène et parfois sauve l'âme de l'écrivain vrai, du poète de la vie. Et si l'on sait que la réalité dépasse souvent la fiction, ici, dans ce récit à la teneur époustouflante, on pourra en vérifier la justesse chapitre après chapitre. La tendresse que notre poétesse insère dans chaque souffle de frayeur n'en est que plus dévastatrice de beauté.
DIRE BABYLONE
(How to Say Babylon)
Safiya Sinclair
Traduit de l'anglais (Jamaïque) par Johan Frédérik Hel-Guedj
éd. Buchet-Chastel 2024 (v.o. 2023)
Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.