Demi-volée, de Chetna Maroo

« Papa ouvrit la porte qui donnait sur le jardin, un ruban de lumière jaune barra le sentier et il resta longtemps dehors, debout sur le seuil. Je l'ai imaginé qui levait un peu la tête et qui voyait la tâche bleue que je formais sur la colline derrière la maison. »

Demi-volée est le premier roman de Chetna Maroo, née au Kenya et qui a grandi au Royaume-Uni. Il lui a valu immédiatement une reconnaissance internationale et été finaliste du prestigieux prix littéraire Booker Prize à sa sortie. Reconnaissance bien méritée tant le livre témoigne de maturité et de maîtrise littéraire.  Roman d'apprentissage, de deuil et d'amour filial, il nous ravit par sa délicatesse et par son traitement du jeu de squash.

Le roman s'ouvre sur un repas de famille. La narratrice Gopi, son père et ses deux sœurs sont à Édimbourg chez son oncle paternel et son épouse Tante Rajan. Sa mère est tout juste décédée alors que les trois filles n'ont que onze, treize et quinze ans. Le père est ravagé par cette perte subite, les enfants réservés néanmoins perdus dans leur chagrin. Tante Rajan asserte alors que ces filles doivent être désormais occupées par un projet ou une activité qui leur offrira un cadre et une direction dans la vie. Dès leur retour chez eux, dans la banlieue de Londres, le père va prendre à bras le corps ce projet en question : désormais elles joueront au squash et suivront un entraînement intensif. Il s'y consacre pleinement lui-même.
Nous suivrons alors leur vie au quotidien, dont une majeure part se déroule à Western Lane, le club de squash où elles sont inscrites. Leur père les forme, sur le terrain mais aussi le soir en visionnant et analysant avec elles les matchs mythiques de Jahangir Khan, originaire comme eux du Pakistan, des montagnes du nord ; ce même Jahangir ayant affronté les grands champions internationaux de la discipline.
Si les deux aînées ne montrent aucune aptitude particulière sur le terrain de squash, la plus jeune très vite se révèle non seulement douée mais également hautement investie et donc prometteuse.

Les états d'âme, les émotions et l'essentiel de la communication des membres de la famille sont silencieusement et adroitement dits dans ce non-dit qui s'exprime par le squash. Cette famille, à chaque instant à deux doigts de s'effondrer tient, droite, avec pour colonne vertébrale un sport. La discussion des uns et des autres va de pair avec leur désarroi monumental. La beauté de la littérature s'épanouit dans la retenue et inexorablement gagne en intensité d'un chapitre à l'autre.
Demi-volée conquiert le lecteur, à mille lieu de s'imaginer au départ qu'il se passionnerait de décrypter un jeu qui le dépasse. Mais puisque la vie humaine et la tendresse s'y déploient, on s'éprend. La primo-romancière se fait une place dans notre bibliothèque avec cette histoire simple, humaine et fatalement poignante. Saluons la traduction française parfaite.

DEMI-VOLEE
(Western Lane)
Chetna Maroo
Traduit de l'anglais (Royaume-Uni) par Madeleine Nasalik

éd. Dalva 2024 (v.o. 2023)
Finaliste Booker Prize 2023

Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.

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