« La ville dort, dit-on. Pas du tout. Et si c'est vrai, laissons donc dormir cette ingrate. »
Vous aimez les polars exquis ? Les détectives obstinés, drôles, attaqués par le manque de sommeil et le trop plein de cigarettes fumées vous grisent ? Eh bien, sans même lire la suite de cette chronique vous pouvez opter pour Cosa fácil de Paco Ignacio Taibo II. Écrivain journaliste militant mexicain, l'auteur nous pose dans l'atmosphère d'un pays hors du commun et nous rappelle ce qu'étaient les idéologies d'autrefois, les révolutionnaires latino-américains qui les portaient avec cœur.
Le roman se dévore et l'on en sort avec le désir de lire, immédiatement, tous les autres livres de Paco Ignacio Taibo II traduits en français !
Hector Belascoaran Shayne est un peu basque, un peu irlandais, et un mexicain un peu borgne un peu boiteux. Il se considère artisan, et partage un médiocre bureau avec trois autres artisans : un plombier, un tapissier et un ingénieur des égouts. Vous l'avez compris, il s'agit de notre détective inclassable. Alors qu'il est sur la paille depuis quelque temps, il lui arrive entre les mains trois affaires, le même jour : une adolescente de bonne famille à protéger contre un mal inconnu, des meurtres d'ingénieurs de l'industrie à élucider, et une figure légendaire à débusquer (rien moins qu'Emiliano Zapata qui ne serait pas mort).
En suivant l'adage familial Plus c'est compliqué, meilleur c'est ; plus c'est impossible, plus c'est beau, Hector se lancera activement dans les trois dossiers à la fois et nous l'accompagnerons dans ses journées de vingt-deux heures d'affilée .. jusque la résolution de tous les mystères.
Bien entendu ce serait trop simple s'il ne se produisait rien d'autre que les revers de fortune impliqués par les trois affaires qu'il lui faut déchiffrer. Ses propres affaires familiales et personnelles viendront se mêler du reste. Pour notre plus grand bonheur car cette vaste galerie de portraits ne peu que nous enchanter. La sœur d'Hector est drôle, son frère lui rendra service dans une des affaires en cours, ses collègues et colocataires de son bureau seront bien utiles, et tous se tiendront la main pour dépeindre un tableau coloré et rocambolesque du Mexique, d'hier et de demain.
Et comme tout, absolument tout, devra suivre l'humeur loufoque du roman, je vous révèle aussi la présence du Corbeau ! Animateur de radio, cette drôle de voix tient compagnie aux habitants de nuit de la ville. Notre Hector Belasocaran Shayne reconnaîtra sa voix et il lui sera d'une aide précieuse .. et tout aussi baroque.
L'on se demandera, au côté de notre infatigable et épuisé détective, si au final toutes les affaires en jeu ne vont pas se rejoindre d'une manière ou d'une autre. Et l'on pourra se fier au talent de l'écrivain Paco Ignacio Taibo II pour savoir ficeler le tout avec brio. Très vite le lecteur ne saura plus s'il dévore les chapitres pour arriver aux dénouements ou tout simplement parce qu'il succombe aux frasques succulents qui le cueillent à chaque nouveau carrefour de ces histoires entrelacées.
Tout ce temps une douceur mélancolique nous serre le cœur. Mais où est-elle donc passée, cette humanité en vogue dans Cosa facil ? Ces hommes et ces femmes de la trempe des Zapata et des Belascoaran où se cachent-ils donc. Eh oui, le polar est tendre et drôle, sombre par son obscurité nocturne, et militant quelque peu désabusé par sa vision sociale et politique.
COSA FACIL
Paco Ignacio Taibo II
Traduit de l'espagnol (Mexique) par Mara Hernandez et René Solis
éd. Rivages Noir (poche) 2022
Les illustrations présentées dans l'article sont les œuvres de :
- Art Pop d'Ernesto Lozano Rivero,
- Alejibres, photographie de Caroline Lessire dont vous pourrez admirer le merveilleux travail sur sont site.
Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.