Chico Buarque, bien entendu vous le connaissez, et il s’agit bien de ce même Chico Buarque, chanteur et compositeur brésilien qui participa au renouveau de la musique brésilienne et la fit connaître sur tous les continents, notamment avec la bossa nova languissante et enchanteresse ! Ce même homme est un écrivain de grand talent ; pour preuve ce petit bijou de « Budapest ».
J’avais lu ce livre il y a un petit moment, dans sa traduction française. Il m’avait marqué et certaines de ses phrases étaient restées gravées en ma mémoire. Il a suffi que j’y repense pour tomber, par hasard, sur sa traduction anglaise dans la belle librairie New-yorkaise Strand. Et j’ai éprouvé un immense plaisir à la relecture de ce texte. La mémoire nous joue des tours ; j’étais convaincue de me rappeler parfaitement le livre mais qu’il n’en était rien ! D’où ce plaisir redoublé de savourer une nouvelle fois cet étonnant écrit.
Le narrateur est un brillant écrivain brésilien qui ne signe pas ses livres puisqu’il occupe officiellement la fonction de nègre dans la société où son associé et lui prennent en charge la rédaction d’écrits politiques, journalistiques et autobiographiques pour le compte d’autrui. De retour d’une conférence réunissant les écrivains anonymes (nègres) il atterrit à Budapest où il passe la nuit, suite à un incident technique survenu lors de son vol Istanbul-Rio avec escale initialement prévue à Francfort. La langue hongroise le pénètre cette nuit-là et son avenir en sera transformé. Il retournera vivre à Budapest, apprendra la langue du pays et deviendra poète en hongrois. Et je ne vous dis là qu’une infime part de ce qui constitue la beauté et l’étrangeté de ce texte où tout fonctionne par couples et par images, reflétés dans un miroir magique, celui de la vie…
Tout amoureux des mots et des langues succombera pour ce livre. La langue est femme, la langue est amour, la langue est mère, la langue est terre natale ou adoptive, la langue est sexuelle et charnelle, ravageuse destructrice et salvatrice. Une langue adopte ou rejette, choie ou maltraite, mais elle est dotée d’une telle musique que l’on ne peut faire autrement que de se laisser transporter, souffrir dans l’effort de la maîtriser et s’envoler de l’avoir conquise.. Merci à Chico Buarque!
BUDAPEST
Chico Buarque
éd. Gallimard, 2005 (v.o. 2003)
Traduit du portugais (Brésil) par Jacques Thiériot