Il est des livres qui nous plaisent dès les premiers mots. Lorsque de surcroît un tel livre parvient à prendre son envolée progressivement, et à nous époustoufler lors de sa clôture, on s’incline.
Mais je vais vous dire cela autrement…
Un excellent livre. À lire. Et je pourrais m’arrêter là, car l’essentiel est dit, et il vaut mieux s’en tenir au strict minimum exigé… C’est ainsi que naît un mensonge par omission ! C’est ainsi qu’un non-dit se transforme en secret. Et certains secrets restent tus jusqu’à la fin des temps. Mais peut-on imaginer que la vérité finisse malgré tout par éclater un jour ou l’autre ? En voilà bien des énigmes et Philip Roth de son écriture dense et ciselée, économe et juste sera à la hauteur, et tiendra ses promesses, non dites, jamais énoncées !
Le personnage principal a soixante et onze ans, au moment où le grand secret de sa vie, inconnu de tous depuis une cinquantaine d’années revient frapper à sa porte. Un non-dit originel fait son retour tel un boomerang inarrêtable dans sa course véhémente. La vie entière de notre homme est tissée autour de ce petit mensonge par omission qui était censé ne jamais porter à conséquence : un ancien doyen d’université à la probité et à la réputation sans taches démissionne de l’Université suite à un incident tant mineur qu’injuste. Il perd son épouse, et prend conscience progressivement de la distance qui le sépare de son entourage, famille et amis confondus. Son voisin, l’écrivain Nathan Zuckerman, alter ego de Philip Roth dans nombre de ses livres, enquêtera sur l’histoire de cette vie afin d’en investir le mystère après le décès du septuagénaire.
Cependant que nous visionnons une vidéo navrante des années Clinton aux Etats-Unis et de l’aventure Monica Lewinsky, l’écrivain Philip Roth constitue une remarquable toile de sa salive talentueuse et incorrigiblement intelligente.
En terminant le livre j’ai pensé à un autre roman où le narrateur, homme mûr, se penche sur son passé et parcourt ainsi le fil de sa vie. C’est le très beau livre de Julian Barnes, dont le titre, affreusement mal traduit est Une fille, qui danse que je vous recommande aussi.
LA TACHE
(The Human Stain)
Philip Roth
Ed. Gallimard, 2002 (v.o. 2000)
Traduit de l’anglais par Josée Kamoun
Prix Medicis étranger 2002