Kitchen, de Banana Yashimoto

Bien avant que Haruki Murakami importe chez nous les univers japonais, étranges et mélancoliques, Banana Yashimoto s’était présenté aux lecteurs occidentaux pour les initier à l' »autrement ». C’est une écrivaine que nous pouvons lire et relire, aujourd’hui et demain sans jamais nous lasser de ce style si parfait, si simple. J’avais lu d’elle « Au revoir Tsugumi », et plus récemment « Dur, dur ». J’ai passé les dernières vingt-quatre heures dans « Kitchen ». Quelle aventure, quel drôle de sentier à parcourir, quelle douceur aussi… Les questions abordées sont pourtant graves !

Kitchen est constitué de trois sections. Les deux premières sont reliées très directement, et constituent la novella « Kitchen » à proprement parler. La dernière section est une autre nouvelle qui traite des mêmes thèmes. Ayant lu la version anglaise, je ne sais pas si l’éditeur français s’est arrêté aux deux premières sections du livre. Dans tous les cas le livre serait complet et cohérent. Rappelons qu’à sa sortie Kitchen a remporté de prestigieux prix littéraires japonais et s’est maintenu parmi les « meilleures ventes » une année durant.

Dans chacune des trois sections les personnages sont confrontés à la perte d’un proche, une grand-mère, une mère, un frère, un amant. Et ils sont soutenus par un autre personnage, qui comprend. L’amitié s’en mêle, l’amour s’en mêle aussi. C’est drôle, c’est extravagant, et ça franchit délicatement le seuil du réel, basculant gentiment dans l’étrange, sans jamais en faire trop. Souvent, très souvent, nos personnages prennent le thé, font la cuisine, partagent des repas, les savourent. A base de scènes du quotidien Banana Yashimoto nous montre comme le bonheur peut se trouver simplement, peut être démultiplié parce que partagé simplement. L’écriture est simple. Les idées sont véhiculées par ce simple. Et le tout est un nectar pour le lecteur.

Ces histoires parlent de la mort et du deuil, mais aussi de la maternité, du trans genre, du désespoir et de la force. Elles parlent de la magie de l’instant, de ce quelque chose d’invisible qu’une personne dégage et qu’on appellerait « charme » ou « aura ». Elles parlent aussi de la complicité amicale et fraternelle qui se transforme en amour et attraction. Le livre porte donc bien son nom : « kitchen » veut dire cuisine, le lieu où l’on fait la cuisine. L’écriture de Banana Yashimoto nous porte au coeur de ce foyer qui brûle en chaque être humain.

KITCHEN
Banana Yashimoto
Traduit du japonais par Dominique Palmé et Kyôkô Satô
Ed. Gallimard 1994 (v.o. 1987)