Ce roman fabuleux vient de sortir en poche, et j’espère que tous ceux qui comme moi avaient dans l’idée de le lire vont désormais se jeter dessus… Car oui, c’est une sacré expérience de lecture que ce « Gabacho ». La première phrase nous surprend, la première page nous surprend, le premier chapitre nous surprend, et nous ne cessons de prendre des claques dans la figure, incapables tout ce temps de sortir le nez du livre. J’ai dû me forcer à arrêter ma lecture à la page cent vingt… parce que j’étais essoufflée ! Non seulement le récit est mené tambour battant mais de plus l’écriture, de son style époustouflant, cogne le paresseux habitué à lire en spectateur. Ici on n’a pas d’autre choix que de participer, physiquement, à ce qu’il se passe ; et il s’en passe des choses, ne laissant aucun répit au personnage principal si malmené, ou à nous, lecteurs, qui le suivons passionnément.
Le plus inattendu est la tendresse et l’intelligence raffinée qui se dégagent de l’histoire alors que la plume de la jeune écrivaine mexicaine Aura Xilonen est énergique, percutante, et le niveau de langage employé un argot jeune, familier, insultant, agressif, innovant et créatif, délicieusement drôle et travaillé. Notons que l’écrivaine a immédiatement été remarquée pour ce premier roman écrit alors qu’elle n’avait que dix-neuf ans, qu’elle a été couronnée par de jolis prix et traduite en une dizaine de langues. Saluons aussi d’emblée le travail de la traductrice, impossible à priori !
L’histoire en elle-même peut se résumer en quelques lignes. Le jeune Liborio a fui son pays natal, le Mexique, et a migré clandestinement aux Etats-Unis où il lui arrive mille aventures incongrues. Garçon au coeur tendre, il travaille dans une librairie où il fait le ménage le jour et dévore tous les livres la nuit. Mais tout bascule pour lui le jour où il vient en aide à une jeune femme qu’il aime secrètement.
Le tranchant du verbe est en décalage parfait avec l’attachant des personnages et le loufoque des situations. La conclusion donne dans les bons sentiments et nous en sommes plutôt soulagés. Ce qu’il nous reste de plus précieux dans les mains en fin de lecture est ce « tout plein » de vocabulaire qu’on a reçu, pour partie existant et pour partie inventé. Et c’est là que le talent de la traductrice vient soutenir le talent de l’écrivaine.
Mais j’ai aimé aussi toutes ces références dont nous abreuve Aura Xilonen, qu’il s’agisse de la littérature mexicaine ou des personnages historiques et légendaires du pays. Elle nous plonge dans un imaginaire local tout en nous offrant un récit très universel.
C’est une belle découverte que je vous recommande, et pour laquelle nous pouvons remercier la maison d’édition Liana Levi, toujours à l’affût des plumes remarquables et peu connues.
GABACHO
Aura Xilonen
Traduit de l’espagnol (Mexique) par Julia Chardavoine
Editions Liana Levi, 2016 (v.o. 2015)
Prix Mauricio Achar 2015
Grand Prix de la traduction de la ville d’Arles 2017 pour J. Chardavoine
Les illustrations dans l’article présentent les oeuvres de :
– José Guadalupe Posada
– Helena Nares