La Végétarienne, de Han Kang

Sait-on ce qui pousse à devenir végétarien ? Han Kang, écrivaine de Corée du Sud fait une projection intéressante ici sur le sujet. Elle a remporté avec ce roman le Man Booker Prize International 2016, un des prix littéraires anglophones les plus prestigieux. Notons que ce prix est partagé à parts égales avec la traductrice du livre en anglais, Deborah Smith. Traduite dans le monde entier, elle a voyagé jusqu’en Argentine pour rencontrer ses lecteurs, interloqués par ce récit tant dérangeant que beau, qui se lit vite mais se digère lentement.

Le livre compte moins de deux cent pages. Il est organisé en trois parties ; chacune est centrée sur un personnage différent mais l’ensemble trace de façon chronologique l’aventure de Yeong-Hye, une jeune femme mariée et dans sa trentaine, qui rejette du jour au lendemain toute nourriture animale et s’efforce non pas seulement de devenir végétarienne, mais si possible de se transformer en végétal. Cecilia Paredes Body ArtNous sommes à ses côtés dans le premier chapitre et vivrons avec elle les scènes poignantes où tous les membres de sa famille tentent de la « ramener à la raison » et lui faire manger de nouveau viande, poisson, crustacés. Le deuxième chapitre nous rapproche du beau-frère de Yeong-Hye, esprit libre et artiste perdu dans sa quête de beauté. Ces deux êtres hors des normes de la société se rencontrent dans leur désir de faire naître la beauté dans son essence naturelle. Enfin, pour finir, la soeur de Yeong-Hye clôt l’histoire en accompagnant sa soeur aux termes de la folie. Et le lecteur découvre enfin les secrets cachés de la famille et comprend pourquoi dans l’esprit de Yeong-Hye, faire rentrer de l’animal dans son estomac est synonyme de s’abreuver de bestialité et développer en soi de la violence.

Ce récit est dérangeant, je ne peux le nier. Mais les images artistiques qui s’en dégagent sont d’une esthétique remarquable. L’oeuvre d’art « humaine » que créé le beau-frère dans le deuxième chapitre n’a cessé de me hanter. Alors sincèrement, je comprendrais que vous ne lisiez pas ce livre, mais je comprends, ô combien, que tant de lecteurs dans le monde aient décidé de s’y plonger et se soient laissés envoûter par la chose…

LA VÉGÉTARIENNE
(The Vegetarian)
Han Kang
Traduit du coréen par Eun-Jin Jeong et Jacques Batillot
Éditions Le Serpent à Plumes, 2015 (v.o. 2007) sortie poche, 2016
Lauréat du Prix Man Book International 2016

 

L’illustration présentée dans l’article est une photographie de l’oeuvre d’art (Body Art) de Cecilia Paredes.

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