Le Man Booker Prize a décidé d’embrasser les écrivains Américains, pourquoi?
Parmi les prix littéraires récompensant les livres anglophones deux d’entre eux sont particulièrement réputés et prestigieux. Le Prix Pulitzer, qui fut instauré en 1917, passe en revue les livres des écrivains américains. Le Man Booker Prize, s’intéressait de son côté aux écrivains anglophones des pays du Commonwealth, Irlande, Pakistan et Afrique du Sud, et ce depuis 1968. Pour vous donner quelques exemples de lauréats Man Booker, on pourra citer les Sud-africains Nadine Gordimer et J-M Coetzee, le Nigérian Ben Okri, les Indiens Aravind Adiga, Kiran Desai et Arundathi Roy, les Canadiens Margaret Atwood et Yann Martel, les Britanniques Julian Barnes et Kazuo Ishiguro ou l’Irlandais John Banville, tous autant de talentueux écrivains qui nous auront enchantés…
Or voici qu’à la surprise générale l’institution du Man Booker a décidé de modifier les conditions d’éligibilité des auteurs sélectionnés : désormais les livres des écrivains américains seront également pris en compte à la condition qu’ils soient publiés en Angleterre.
Cette décision fut annoncée en Septembre 2013 et confirmée en Octobre, provoquant un tollé général tant de la part d’écrivains britanniques que de celui de certains pays se sentant défavorisés par ce changement. Notons également que jusque maintenant les éditeurs pouvaient soumettre deux livres au jury alors que désormais le nombre de livres soumis par éditeur sera fonction de leur historique de présence dans les sélections du Man Booker des cinq années précédentes. Ainsi, un éditeur qui a vu (au minimum) cinq de ses publications sélectionnées dans les cinq années écoulées pourra proposer quatre titres ; avec trois ou quatre livres retenus durant la même période il pourra proposer trois livres. Les éditeurs qui n’ont pas fait partie des cinq dernières sélections ne pourront soumettre au jury qu’un seul titre.
Les journaux Canadiens ont été critiques face à cette décision, estimant qu’elle renforcerait la suprématie du livre américain dans le monde. Jim Crace (finaliste 2013) ou le grand Julian Barnes sont quelques uns des écrivains ayant également contesté le bien fondé de cette décision, soulignant le désavantage que cela constituerait pour les écrivains Anglais.
Mais pourquoi le Man Booker a décidé de porter un tel changement dans son mode de fonctionnement ? N’est-il pas un risque que l’institution perde sa spécificité historique, son identité? Libre à nous de méditer sur les enjeux inhérents à cette décision. Chacun pourra avoir son avis sur la question. Et je serais bien curieuse de connaître les suggestions et commentaires des uns et des autres.
Pour ma part cette affaire vient simplement confirmer l’aspect commercial non négligeable qui a toujours été le lot de l’édition.
Interrogez un citoyen américain, non pas lambda bien-sûr, mais un lecteur, un New-yorkais si vous voulez. Le Prix Pulitzer, naturellement il connait, mais il est de grandes chances qu’il n’ait jamais entendu parler du Man Booker ! Or demain, avec cette nouvelle donne je présume que les États-Unis participeront à la promotion du Man Booker. Les éditeurs, distributeurs, libraires et sites de vente en ligne mettront en avant tant les finalistes que les lauréats du Man Booker. Très certainement les ventes de ces titres monteront en flèche !
La page Wikipedia du Man Booker indique que « Histoire de Pi » de Yann Martel, lauréat 2002 se serait vendu à quatre millions d’exemplaires et aurait été traduit dans quarante pays. Quels seront les chiffres demain ? Car depuis l’avènement de l’internet et des réseaux sociaux nous sommes dans un monde où les chiffres comptent plus que jamais, tant ils peuvent atteindre des évolutions exponentielles ! Dans notre monde connecté, où un Amazon peut s’imposer avec une position de quasi-monopole international dans la vente en ligne, le Man Booker Prize aurait-il tort de tenter d’évoluer ? Le livre n’est plus une chose sacré depuis belle lurette, ni désormais une œuvre relevant de l’art mais bel et bien en passe de devenir un produit de grande consommation, un objet qui se vend bien. Que mon cœur se brise en écrivant ces quelques mots ne changera malheureusement rien au cours du monde.
Terminons malgré tout cet article sur une note positive. Le Man Booker Prize vient d’annoncer la constitution d’un comité de consultation élargi. Ce comité sera constitué par un ensemble d’anciens lauréats et d’anciens jurés du prix, qui seront consultés dans le choix des sélections et lauréats à venir (2015). Il semblerait donc que les protestations des uns et des autres aient quelque peu porté leur fruit. La décision de la nouvelle éligibilité des auteurs américains a été maintenue mais l’institution a souhaité apporter une garantie dans le choix d’écrivains et de livres de qualité qui perdurerait. Voici la liste des anciens lauréats et jurés qui qui ont accepté l’invitation à participer à ce comité (Man Booker International Prize e-Council) :
Anciens lauréats :
- John Banville, lauréat 2005
- Kiran Desai, lauréat 2006
- Roddy Doyle, lauréat 1993
- Anne Enright, lauréat 2007
- Alan Hollinghurst, lauréat 2004
- Kazuo Ishiguro, lauréat 1989
- Howard Jacobson, lauréat 2010
- Thomas Keneally, lauréat 1982
- Dame Penelope Lively, lauréat 1987
- Hilary Mantel CBE, lauréat 2009 and 2012
- Yann Martel, lauréat 2002
- Sir V S Naipaul, lauréat 1971
- DBC Pierre, lauréat 2003
Anciens jurés et présidents de jury :
- David Baddiel, juré 2002
- Professor Gillian Beer, juré 1993, président de jury 1997
- Rachel Billington OBE, juré 1997
- Professor Dinah Birch, juré 2012
- Dame Antonia Byatt CBE, lauréat 1990, juré 1974
- Carmen Callil, président de jury 1996, juré 2011
- Professor John Carey, président de jury 1982, président de jury 2003
- Russell Celyn Jones, juré 2002
- Anne Chisholm, juré 1993
- Susannah Clapp, juré 1990
- Alex Clark, juré 2008
- Nicholas Clee, juré 1993
- Wendy Cope OBE, juré 2007
- Jason Cowley, juré 1997
- Professor Valentine Cunningham, juré, 1992 and 1998
- Sir Howard Davies, président de jury 2007
- Louise Doughty, juré 2008
- Tibor Fischer, juré 2004
- Dr Amanda Foreman, juré 2012
- Aminatta Forna, juré 2013
- Roy Foster, juré 2000
- Mariella Frostrup, juré 2000
- John Fuller, juré 1984
- Professor Maggie Gee, juré 1989
- Rick Gekoski, juré 2005, président de jury 2011
- Miriam Gross, juré 1998
- Dr Harriet Harvey Wood, juré 1992
- Natalie Haynes, juré 2013
- Tobias Hill, juré 2010
- Susan Hill CBE, juré 1975, juré 2011
- Elizabeth Jane Howard OBE, juré 1974
- Lord Douglas Hurd, président de jury 1998
- Sir Simon Jenkins, président de jury 2000
- Rt Hon Sir Gerald Kaufman PC MP, président de jury 1999
- Stuart Kelly, juré 2013
- A L Kennedy, juré 1996
- Andrey Kurkov, juré 2009
- Mark Lawson, juré 1992
- Professor Hermione Lee, juré 1981, président de jury 2006
- Yiyun Li, juré 2013
- Alberto Manguel, juré 2005
- Allan Massie, juré 1987
- Lucasta Miller, Man Booker judge 2009
- Professor Karl Miller, président de jury 1973
- Blake Morrison, juré 1988
- Sir Andrew Motion, président de jury, 2010
- John Mullan, juré, 2009
- Baroness Julia Neuberger DBE, juré 1994
- Tim Parks, juré 2013
- Rowan Pelling, juré 2004
- Michael Prodger, juré 2009
- Tony Quinn, juré 2006
- Sir Christopher Ricks, président de jury 2013
- Ann Schlee, juré 1991
- Dr Ruth Scurr, juré 2007
- Elaine Showalter, président de jury 2007
- Hardeep Singh Kohli, juré 2008
- Jane Smiley, président de jury 2009
- Lord Chris Smith of Finsbury, juré 2004
- Imogen Stubbs, juré 2007
- Professor John Sutherland, juré 1999, président de jury 2005
- Bharat Tandon, juré 2012
- D J Taylor, juré 2003
- Anthony Thwaite, juré 1986
- Colm Tóibín , juré 2007
- Boyd Tonkin, juré 1999
- Jeremy Treglown, président de jury 1991
- Salley Vickers, juré 2002
- George Walden, président de jury 1995
- Natasha Walter, juré 1999
- Fay Weldon, président de jury 1983
- Frances Wilson, juré 2010
- Professor Rory Watson, juré 2001