"Je dédie ce manga à tous ceux qui souffrent ou qui ont souffert des tourments de l'adolescence ..."
Si vous êtes un amateur ou une amatrice des œuvres de Charles Baudelaire et que le titre de cette chronique a titillé votre curiosité, je vous invite à découvrir ce manga, publié en 2010 au Japon.
Moi qui n'apprécie pas particulièrement - pas du tout même - les œuvres ayant pour personnages principaux des adolescents, je me suis laissée tenter ... Amis du malsain, bienvenus !
Dans cette histoire fortement inspirée de la vie de son auteur - la ville natale, les lectures, le sentiment de malaise provoqué par l'adolescence, les mauvaises influences - nous suivons Takao. C'est un jeune lycéen qui a pour passion des œuvres littéraires étonnantes, et qui voue un véritable culte à Charles Baudelaire. Il en a même un portrait dans sa chambre.
Forcément, ses lectures le mettent en marge de ses camarades, ce dont il a bien conscience. Amoureux de Nanako, une fille de sa classe qu'il considère comme sa muse, tout va partir en vrille lorsqu'il va, sous le coup d'une pulsion qu'il a bien du mal à s'expliquer, voler les affaires de sport de Nanako.
Malheureusement pour lui, Sawa l'a vu. C'est une autre fille de sa classe, plutôt solitaire et clairement inquiétante (elle n'hésite pas à insulter les uns et les autres, autant élèves qu'enseignants). A partir de ce moment-là se met en marche un dangereux chantage qui laissera place aux jeux les plus malsains.
L'emprise est le fil rouge des premiers tomes, mais on comprend vite que le chantage n'est qu'un premier pas vers le développement réel de l'histoire. Takao va se laisser submerger par ses pulsions. Les différentes relations entre les personnages et le développement de leurs psychologies est très intéressant, mais aussi terriblement oppressant.
Cette étude de la perversité n'est clairement pas à mettre entre les mains des plus jeunes. Pour Sawa, tout le monde porte un masque pour dissimuler ses perversions, et elle fera tout pour faire tomber celui de Takao.
L'intrigue autour de ce pseudo triangle amoureux (Sawa, Takao, Nanako) se dissipe très vite pour laisser place à un réel questionnement sur le mal-être adolescent, et cette envie d'envoyer valser toutes les normes et les conventions de la société, surtout dans une petite ville comme la leur. Cela m'a rappelé le roman Okuribi ; renvoyer les morts, de Hiroki Takahashi. Cette souffrance, ce jeu qui les fera pousser les limites toujours plus loin - je n'en dis pas plus -, vous tiendrons en haleine jusqu'au dénouement final.
La photographie en tête de l'article est d'© Amalia Luciani pour Kimamori.
Article d'Amalia Luciani
Historienne de formation, elle est enseignante, photographe et nouvelliste. Elle a été journaliste en freelance.
Responsable de la rubrique Littérature de l'Imaginaire, elle gère le compte et les communications Instagram. Elle est également l'experte polar de Kimamori.