Green Book, sur les routes du sud

L'absurdité de la couleur et du rang ...

Une histoire mille fois racontée peut toujours faire l'objet d'un nouveau roman, d'un nouveau film, qui peut nous emporter dans un nouveau voyage, s'il est réussi. C'est le cas de « Green Book » qui nous emmène sur les routes du sud, aux États-Unis, dans les années soixante (1962). Un homme noir et un homme blanc sont en voiture, ils font route ensemble. Or l'homme blanc est le chauffeur, l'homme noir l'employeur. L'homme blanc est un homme du peuple. L'homme noir est musicien, c'est un intellectuel raffiné et érudit. L'un et l'autre gagneront notre cœur en se faisant les porte-paroles d'une société plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord. Notons que le film est basé sur une histoire vraie et qu'un des scénaristes du film est le fils de "Tony", le chauffeur italien, dans la vraie vie !

Dès les cinq premières minutes du film nous sommes convaincus de la qualité de son scénario. En très peu de temps on nous présente un personnage ordinaire et exceptionnel, rustre et pourtant fin, malin et pourtant doux. Tony "la tchatche" est videur dans une boîte de nuit. Il cogne avant que son interlocuteur ait le temps de dire Ouf. À la maison il est le doux agneau. Avec les têtes de la mafia locale il est opportun et vif d'esprit. Avec les noirs il devient un autre homme : hermétique, absolument. Mais puisque la boite de nuit ferme ses portes quelque temps, puisqu'il a un loyer à payer et une famille à nourrir, il va devoir accepter un travail, très bien payé, très déplaisant, sa mission étant de conduire un noir dans les tréfonds du pays, le protéger en toutes circonstances, et garantir ainsi le succès de sa tournée. L'employeur en question, de peau noire, est un très grand musicien qui est invité à se produire dans les salons privés de dizaines d’États du Sud, les uns plus racistes que les autres ! Nous sommes dès lors plongés au cœur d'un "road movie" ; longues heures de conduite oblige, les deux hommes vont être amenés à mieux se connaître. Notre rital aux gros bras et à la conduite irréprochable devra accepter aussi de mieux voir son pays, et ce faisant, de se confronter à sa propre image...

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Mais pourquoi le film s'appelle Green Book ? me direz-vous. Eh bien, à cette époque les hommes de couleur n'étaient acceptés que dans les hôtels, motels et auberges dédiés aux nègres, dans ces fameux États du Sud. Notre chauffeur italien est en charge d'étudier ce guide vert et sélectionner les hôtels où son employeur sera hébergé tout au long de sa tournée. L'existence même d'un tel guide est choquant. Je ne vous parle pas du confort (et encore moins du luxe) des établissements qui sont listés dans ce guide vert. Le titre à lui tout seul fait le film. Ce petit guide vert à lui tout seul raconte l'histoire.

     

     

J'ai aimé ce film parce qu'il se déroule simplement. Ni images sensationnelles, ni violence superflue, ni grandiloquence ridicule. Chaque mot est à sa juste place, chaque scène a quelque chose à dire. L'ensemble est doux. Les personnages deviennent très vite attachants et chacun illustre par sa présence une part de ce grand pays multiple. Les couleurs du film respectent une époque et une tonalité, en harmonie avec le rythme déployé. On ne recherche ni les surprises ni les rebondissements. On vit aux côtés de personnes que l'on peut comprendre, saisir de par mille détails, souvent drôles.

Je terminerai ma chronique sur l'équilibre qui est si parfaitement trouvé et maintenu dans Green Book. Un juste équilibre entre humour et tendresse, entre mouvement, action et discussions, entre phénomènes de société et particularités humaines, entre bon sens et érudition. On accepte la douceur de ce film, on accueille la tendresse qui s'en dégage et on apprécie que tout cela soit crédible : la laideur des régles établies, des réactions d'intolérance, tout autant que la simplicité avec laquelle on peut voir et aimer autrui. Voici donc un joli film, juste dans le ton qui est trouvé, bénéfique dans les valeurs humaines véhiculées... que pourrais-je vous dire de plus que cela ?! Peut-être que le jeu des acteurs est si abouti, si naturel que l'on ne voit pas de jeu d'acteur, on voit des êtres humains et leur quotidien.

GREEN BOOK, Sur les Routes du Sud
Réalisateur : Peter Farrelly
Scénario : Nick Vallelonga, Brian Hayes Currrie, Peter Farrelly
Compositeur : Kristopher Bowers
Directeur de la photographie : Sean Porter
Casting : Viggo Mortensen, Mahershala Ali, Linda Cardellini, Sebastian Maniscalco, Dimiter D. Marinov, P.J. Byrne
Date de sortie France : janvier 2019

Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.

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