Pour finir cette série d’articles sur le Festival du livre de Brooklyn 2013, j’aimerais vous parler des écrivains dont je n’ai malheureusement pu suivre que partiellement les lectures et tables rondes.
L’écrivaine Canadienne Claire Messud présentait son dernier livre, « The Woman Upstairs », en lice pour le Giller Prize 2013. Le personnage principal est une artiste dont le succès se résume au métier d’enseignant en primaire qu’elle exerce, et la bonne compagnie que ses proches lui reconnaissent. Mais l’arrivée d’un nouvel élève va transformer son existence. Au contact de cette famille dont la mère est une artiste paysagiste italienne et le père un brillant professeur d’origine libanaise Nora accueille une vibration neuve dans son univers. Thriller et exploration subtile de la psychologie des personnages, le livre semble relever, lui, d’un beau travail d’artiste.
Pour ma part j’avoue avoir été conquise par Claire Messud, découverte en cette occasion. Ses mots étaient mesurés et elle pondérait ses réponses en faisant preuve d’une humilité hors pair. Elle prenait le temps de saisir pleinement le sens des questions qui lui étaient posées et s’employait à offrir avec générosité son approche dotée de sensibilité et de pragmatisme à ce public qui comme moi buvait ses paroles. « Mon personnage, un jour réalise que personne n’est au courant de ce qui est le plus important pour lui, dans son existence ; il se demande alors si ce phénomène s’applique à tous les êtres humains, tous les hommes et les femmes de son entourage » nous expliqua l’écrivaine… Ce livre, si j’ai bien compris, est une invitation à porter le regard sur les sphères qui sont en-deçà du visible, de la réalité manifeste et connue de tout un chacun.
Il est une autre conférence que j’ai prise au vol. Celle-ci avait pour thème : « La Politique et l’Art ». Étaient réunis autour de ce thème trois écrivains, dont Rachel Kushner et Nicolson Baker que j’ai pu écouter. Ils présentaient leur dernier livre en nous faisant lecture d’un extrait choisi :
Rachel Kushner : « The Flamethrowers ». Il semble qu’il n’est pas une âme à New York qui n’ait encore lu ce livre. La critique naturellement est controversée. Le livre relie plusieurs époques de l’Histoire des États-Unis et de l’Italie au travers d’un personnage activiste politique, et du monde de l’art Nord-Américain. Humour et émotion s’allient pour justifier le succès absolu remporté par ce récit bouleversant. Le livre de Rachel Kushner est en lice pour le National Book Award Fiction 2013.
Nicolson Baker : « Traveling Sprinkler ». Écrivain et essayiste, Nicolson Baker poursuit dans ce livre la biographie romancée du poète Paul Chowder qu’il avait commencé de narrer dans son livre « The Anthologist » en 2009. Comme beaucoup de lecteurs français je ne connaissais pas cet auteur, bien qu’il soit traduit en français. Mais sa présence était enveloppante à cette conférence, son humour fin et l’extrait qu’il nous a lu tant poétique que chaleureusement communiqué. Il introduisit le sujet du débat par une citation du poète Robert Frost : » Poetry is about the grief, Politics is about the grievance ». (Attention aux faux-amis, « grief » en anglais veut dire peine, douleur alors que « grievance » veut dire grief).
Je suivis en revanche l’intégralité d’une toute dernière table ronde qui viendra clore mes chroniques sur ce formidable événement du « Brooklyn Book Festival » :
Thème : « Secrets et mensonges de l’Histoire »
avec Patricio Pron (Argentin), Juan Gabriel Vàsquez (Colombien) et Zoë Wicomb (Sud-Africaine),
débat animé par Michael Miller
Les écrivains présentaient leur livre :
- Patricio Pron : « My Father’s Ghost is Climbing in the Rain », son livre « L’esprit de mes pères » est disponible en français aux éditions Flammarion.
- Juan Gabriel Vàsquez : « The Sound of Things Falling » traduit en français et disponible depuis le mois d’août sous le titre « Le bruit des choses qui tombent », aux éditions du Seuil. Ce roman est largement loué par la critique internationale.
- Zoë Wicomb : « Playing in the Light », un récit original sur l’Afrique du Sud post-apartheid, qui semble sortir des sentiers battus et éviter toute Image d’Epinal. Son livre « Des vies sans couleur » est disponible en français aux éditions 10/18.
Patricio Pron et Juan Gabriel Vàsquez se rejoignaient en affirmant qu’un écrivain n’écrit pas pour apporter des réponses mais pour tenter de comprendre.
« Mon narrateur, tout comme moi, nous disait l’écrivain Colombien, écrit afin de découvrir et se remémorer son pays » ; et il est allé plus loin en faisant le constat qu’on n’écrivait pas sur son pays parce qu’on le connaissait mais très précisément parce qu’un beau jour on était surpris de tomber sur des informations qu’on n’aurait jamais imaginés sur le pays qu’on pensait si bien connaître…
« On ne se penche pas les questions et le déroulement tragique que forme une histoire personnelle pour la changer, mais simplement pour parvenir à la comprendre.» a conclu Juan Gabriel Vàsquez.
Zoë Wicomb a joliment décrit le creuset existant entre les vérités sociales et les vérités personnelles. « Lorsqu’on écrit sur des événements historiques, nous dit-elle, on cherche un compromis entre ces deux parts de vérité ».
Les photos ci-dessus proviennent du fichier flickr du Brooklyn Book Festival. Vous pourrez consulter le site officiel du festival ici. Et pour ceux qui le souhaitent, voici quelques articles de la radio NPR, du magazine New Yorker et du journal New York Times (en anglais) :
- Claire Messud : « The Woman Upstairs », en lice pour le Giller Prize 2013,
- Rachel Kushner : « The Flamethrowers », en lice pour le National Book Award 2013, (interview)
- Nicolson Baker : « Traveling Sprinkler »,
- Patricio Pron : « My Father’s Ghost is Climbing in the Rain »,
- Juan Gabriel Vàsquez : « The Sound of Things Falling » traduit en français et disponible depuis le mois d’août sous le titre « Le bruit des choses qui tombent » aux éditions du Seuil, (interview à lire ou à écouter)
- Zoë Wicomb : « Playing in the Light ».
Vous pourrez écouter aussi, en français, l’émission Le Carnet d’Or d’Augustin Trapenard, dont un des invités était Juan Gabriel Vàsquez le 22 septembre 2012 ici.
Signalons, pour finir, que l’écrivain français Jean-Marie Blas de Roblès, qui avait remporté le Prix Médicis 2008 pour son livre « Là où les tigres sont chez eux » publié aux éditions Zulma, était un des invités de ce Festival du Livre de Brooklyn 2013.
Vivement l’année prochaine et je ne manquerais d’être au rendez-vous pour le Brooklyn Book Festival 2014…
Si vous ne les avez encore lus, voici les deux précédents articles des chroniques de ce Brooklyn Book Festival 2013, que j’ai publiées cette semaine :