À nouvel art, nouveau lieu
J'étais allée à Dubaï en début d'année. On m'avait vanté les mérites d'une exposition un peu particulière sur Van Gogh. Je me suis renseigné et j'ai vu qu'il s'agissait de projections, accompagnées de musique. Si l'on veut voir, ressentir, saisir un instant la profondeur d'une œuvre d'art il faut être en contact avec elle... voilà ce que j'avais pensé, et dit. Une forme de snobisme s'était emparée de moi : quelle idée de remplacer une toile et des peintures par une image projetée au mur. Le temps est passé. Un par un mes amis allaient voir les expositions animées d'un nouveau Centre d'Art Numérique, à Paris, l'Atelier des Lumières, dans le onzième arrondissement. Et mes amis, qu'ils aient travaillé des décennies dans des galeries d'art, qu'ils soient eux-mêmes peintres, ou simplement aguerris aux questions de l'art, tous, toutes revenaient enchantés de leur visite à ce drôle de musée !
Ma bêtise devenait manifeste, aussi j'ai décidé de m'y rendre, à ce centre d'art numérique. Je me suis rappelé subitement que j'avais toujours aimé les films d'animation, toujours été sensible aux installations digitales de qualité...
Les trois expositions en cours étaient Klimt, Hundertwasser et Poetic_AI (IA_Poétique). J'ai vécu un moment sublime.
Le monde évolue et il offre de nouvelles recettes, de nouveaux ingrédients, des formes d'art qui sont réalisés autrement. Le travail créatif n'exige pas un support en particulier. Voilà ce que je me suis dit en sortant. Embrassons le monde de demain, à chaque instant, au lieu d'être critique et oiseau de mauvais augure sur ses prétendues dérives. J'écoutais l'écrivaine Barbara Kingsolver, cette semaine, et en parlant de son dernier roman (Unsheltered), elle disait que les solutions d'hier ne pouvaient résoudre les problèmes de demain. C'est un peu ce que j'acceptai en sortant de ce centre d'art numérique. Mes réflexions étaient à la hauteur de l'enchantement que m'a causé cette triple exposition à l'Atelier des Lumières. Je vous encourage à y aller, pour vivre l'expérience par vous-même, si ce n'est pas déjà fait.
Le lieu se présente sous forme de grand hangar, aux structures métalliques apparentes. On rentre dans une immense pièce. Et les projections se déroulent en boucle. Klimt, puis Hundertwasser, puis AI_Poétique. On peut s'asseoir sur les bancs disposés le long des murs, rester debout, déambuler, s'accroupir par terre... Libre à chacun de vivre l'espace à sa guise. Les projections couvrent les murs, les sols, les plafonds et se déroulent d'un pan de mur vers un autre, si bien qu'à un instant donné les différents pans de murs font défiler différentes images. Tout cela s'épouse, se confond, se suit. Et c'est une chorégraphie musicale qui accompagne le "film animé".
Dans ce centre d'art dédié exclusivement aux expositions immersives, qui accueille la plus grande installation multimédia fixe au monde (trois mille trois cent mètres carrés de surface), on s'introduit dans l'univers d'un artiste comme jamais on ne l'avait fait auparavant. Moi qui n'étais pas spécialement intéressée par le travail de Gustav Klimt, j'ai eu une révélation pendant l'exposition qui lui était dédiée. Lentement je me suis familiarisée avec son monde intérieur, avec les sensations poignantes qui vibraient dans son art. J'étais plongée dans un univers, dans un ailleurs qui subitement éveillait un certain univers mien, ancré en moi, et pourtant oublié, insoupçonné ! Ce parcours dans lequel nous sommes emportés fait défiler un siècle d'histoire de la peinture viennoise et de ses artistes, dont Egon Schiele. L'art de Hundertwasser se prêtait peut-être mieux encore à une exposition immersive. Cette fois la projection était brève. Et l'ensemble parfaitement harmonieux. Le tout, très coloré et doté de relief, laissait joliment place au travail des créatifs, cette fois en noir et blanc, autour du thème de l'Intelligence Artificielle... poétique !
D'avoir baigné dans cette lumière, navigué sur la barque musicale enveloppante, plongé dans ces œuvres "mobiles" m'a permis de m'oublier totalement le temps de la triple exposition. Et cela est une chose précieuse. Lorsqu'un musée, une œuvre d'art, un spectacle m'offre cela je sais l'apprécier. Car mon esprit peut alors s'ouvrir, accueillir une nouvelle façon de penser et de raisonner, de voir et de percevoir.
Direction artistique : Gianfranco Iannuzzi
Conception et co-réalisation : Gianfranco Iannuzzi, Renato Gatto, Massimiliano Siccardi
Animations vidéo : Massimiliano Siccardi, Ginevra Napoleoni
Composition et arrangement musical : Luca Longobardi
Production : Culturespaces
Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.