J’ai lu un poème hier. Il m’a remis en mémoire l’histoire de la tisserande que je me vais vous conter de ce pas !
Il est bien des versions de ce conte chinois fort populaire. J’ai aimé la version contée dans une édition jeunesse des éditions Philippe Piquier que je vous recommande tant pour ses illustrations magnifiques que pour les histoires merveilleuses qui s’y trouvent, nullement réservées aux seuls enfants.
Or je n’ai pas ce livre sous la main et ai bien du mal à retrouver sur les pages de la toile l’histoire, telle que j’aurais aimée vous la transmettre. La mémoire est toujours très infidèle, elle aime se libérer les ailes et inventer la part manquante de ses informations…
L’histoire du Bouvier et de la Tisserande, je vous la conterai donc à ma sauce personnelle.
Commençons par un cours d’astronomie. Connaissez-vous les étoiles Vega et Altaïr? Toutes deux fort brillantes, la première fait partie de la constellation de la Lyre, et la deuxième de celle de l’Aigle. Constellations qui elles-mêmes font partie du fameux triangle d’été :
Vega est notre tisserande, et Altaïr notre bouvier. Tous deux célestes et fabuleux.
En des temps bien anciens où la civilisation chinoise s’intéressait déjà aux astres, se posa une question d’importance. On voulut savoir pourquoi la Voie Lactée venait briser la délicieuse harmonie de ce triangle, séparant la constellation de l’Aigle de celle de la Lyre, comme vous pouvez le voir clairement ici
ou là
Et puisqu’en Chine on sait bien que les oppositions ne sont là que pour renforcer les unions, ils consultèrent l’Empereur de Jade à ce sujet.
L’Auguste de Jade, sublime dieu chinois qui selon les croyances taoïstes régit l’univers, leur dit alors l’importance accordée de tout temps aux activités professionnelles, que ce fût au ciel ou sur terre. Et il leur fit part de la fameuse histoire du bouvier et de la tisserande.
La tisserande céleste n’était nulle autre que la fille de notre mirifique Grand Personnage de Jade. Lui revenait la responsabilité de tisser les étoiles et les nuées, tout alentour, chaque jour qui passe. Et si un instant elle oubliait de veiller à sa tache, l’univers pouvait être pris d’énervement et se désordonner sous un accès de colère incontrôlée. La douce tisserande, de ses mains patientes, calmait l’univers seconde après seconde et garantissait la paix au monde.
Le bouvier céleste, Altaïr, avait ses propres responsabilités. Être bouvier n’est pas peu de choses. Car le boeuf, ou le buffle si vous préférez, est le nerf de l’univers. Stimulant toujours les dieux et les hommes, le buffle leur insuffle détermination et énergie. Le bouvier prenait soin de maintenir son animal en forme, tout en le cadrant. Les limites qu’il imposait à son buffle avaient pour effet de développer ses forces ainsi contenues, et concentrées.
Malheur vint le jour où le bouvier rencontra la tisserande, d’autant plus que son buffle, comme à l’accoutumée, l’accompagnait. La jeune fille et son entourage féminin avaient pour habitude de descendre sur la très belle planète bleue et se baigner dans les eaux de fraîches rivières. Le bouvier menait là son boeuf paître dans les charmants vallons. Alors que les jeunes filles se réjouissaient dans le courant de l’eau, le buffle, remarquant les sens en éveil de son maître, lui vint en aide avec le plus fin des conseils : Vole-lui donc ses habits à cette fille qui t’attire tant ; ne pouvant sortir de l’eau elle acceptera de se soumettre à tes volontés, dès lors tu pourras l’épouser. Les rôles s’inversèrent donc et ce fut le bouvier qui écouta son boeuf au lieu de le réfréner. Et les choses se passèrent telles que le buffle l’avait prédit.
Nul ne put s’opposer à ce mariage car la tisserande s’était laissée fort émouvoir par le charmant bouvier. Le couple céleste s’unit et les festivités furent grandioses.
Ah quel amour ne partageaient-ils pas, ces deux-là! Pas un seul jour ne passait sans qu’ils se délassent aux côtés l’un de l’autre. Ils ne se quittaient plus et s’accompagnaient dans leurs tâches respectives. Bien entendu le temps et l’attention qu’ils accordèrent à leurs responsabilités se réduisirent en peau de chagrin. Tout commença à aller de travers. Le buffle n’en faisait qu’à sa tête, les feux du ciel ne connaissaient plus ni ordre ni ordonnancement. Et ce qui devait arriver arriva…
L’Empereur de Jade les sépara à jamais et leur ordonna désormais de se vouer à leur travail, corps et âme.
Nos deux malheureux époux se morfondaient. Ils n’avaient pas le coeur à l’ouvrage. Ils menaient à bien leurs activités professionnelles mais souffraient le martyr. Et l’Empire tout entier pleurait le sort des amoureux. Tant et si bien que les uns et les autres parvinrent à ramollir l’Empereur dans sa résolution. Il finit par fléchir et permit aux pies célestes de former une voie, tous les 7ème jour du 7ème mois de l’année, afin que le bouvier et la tisserande pussent se retrouver un jour l’an.
La Voie Lactée ne sépare donc pas, elle réunit, chaque année en août, ce couple qui émerveille petits et grands en Chine et plus largement en Asie.