Comme toujours ce fut une joie de se retrouver entre lecteurs passionnés et d’accueillir de nouveaux venus dans notre cercle qui s’élargit. Nous ne nous étions pas vus exceptionnellement en janvier et avions donc bien des choses à partager ensemble. Nos échanges ont donc été riches et enflammés !
Yassi a ouvert la discussion par quelques mots empruntés à Nicolas Bouvier. Ce voyageur inlassable disait qu’il partait aux quatre coins du globe pour accéder à « la polyphonie » du monde. L’objet de sa littérature étant d’en restituer « les échos ». Ce propos faisait justement écho pour Yassi à un des livres qu’elle venait de lire et qu’elle souhaitait nous présenter.
Mais avant cela elle nous a parlé de plusieurs parutions récentes.
Dans le domaine du théâtre elle a attiré notre attention sur la publication en janvier 2018 du dernier livre du metteur en scène Peter Brook. Son livre « Du bout des lèvres » est traduit en français par son ami de longue date et scénariste Jean-Claude Carrière. Il est publié par les éditions Odile Jacob.
Puis elle nous a dit avoir vu dans les librairies d’Amsterdam « La vie secrète des arbres » de Peter Wohlleben traduit dans un peu toutes les langues européennes. Monique nous avait parlé de ce livre récemment. Dans la même lignée Pablo Sévigné et Gauthier Chapelle viennent de publier « l’Entraide, l’autre loi de la jungle » chez les éditions LLL (les liens qui libèrent). Tous deux sont ingénieurs en agronomie et nous livrent des études scientifiques nous démontrant que dans la nature ce n’est pas « le plus fort qui gagne », mais la communauté la plus solidaire qui se maintient et perdure.
Puis elle a sorti de son sac le premier livre dont elle tenait à nous parler : Jours barbares de William Finnegan. Cet homme, un surfer dans l’âme, épris de liberté et de beauté, a quitté sa vie et sa famille dès l’âge de 17 ans pour faire le tour du monde. Il a, plus exactement, choisi de faire le tour de toutes les vagues du monde ! Sa quête étant de trouver la vague parfaite, et en attendant de la trouver, de lire toutes les vagues qu’il rencontrerait sur son chemin. A 12 ans déjà il avait communié avec les mers en Californie et à Hawaï. Aujourd’hui à l’âge de 60 ans il continue de s’y frotter. Dès qu’un ouragan touche les côtes est des Etats-Unis il saute dans sa voiture et court vers la houle… Journaliste pour le compte du New Yorker depuis plusieurs décennies il s’était fait connaître comme l’homme qui se jette dans les situations dangereuses et injustes pour « couvrir » le sujet de près. Spécialisé dans les sujets politiques, complexes, il avait déjà écrit plusieurs essais acclamés. Mais ici il se livre à nous sous un autre jour. Il accepte de se voir et d’être vu pour ce qu’il est profondément : un amoureux de l’Océan.
« Ce livre m’a passionné et je n’ai pas pu le lâcher » nous disait Yassi. Et pourtant à chaque page l’auteur nous parle de choses qui nous sont totalement étrangères. Des paragraphes et chapitres entiers décrivent la vague, sa réaction, parfois prévisible parfois féroce parce que non escomptée. Un surfer passe ses jours et ses nuits à apprendre à regarder la vague. Et dans sa vie de surfer cet homme a expérimenté quelques instants de béatitude où il est parvenu à communier avec la nature dans son essence profonde. C’est en cela que Yassi a eu le sentiment que William Finnegan nous restituait « la polyphonee du monde » dans son récit.
Pour clore une rencontre avec des lecteurs, organisée par un libraire américain, il a restitué les paroles de son compagnon de surf actuel. Cet homme, un danseur professionnel, est tout aussi épris de surf que William Finnegan. Il dit que ces deux activités se ressemblent parce que dans les deux cas on est face à quelque chose de plus grand que soi ; qu’il s’agisse de musique ou de l’onde marine, il faut savoir se laisser porter en acceptant de ne pas être parfaitement maître de ses mouvements. Transcendé par la vague, l’écrivain l’a été plusieurs fois dans sa vie. Et il partage cela avec nous dans son livre. Mais il nous raconte aussi un demi-siècle d’histoire de l’humanité, en Amérique, en Asie, en Afrique. Et nous offre d’avoir du recul sur les choses du monde.
Yassi a alors passé la parole aux autres personnes présentes, se proposant de reprendre la parole en fin de réunion pour parler des autres livres qu’elle avait à coeur de nous présenter.
Françoise, nouvelle parmi nous et néanmoins grande lectrice, s’est lancée pour nous parler des derniers livres qu’elle avait lus et aimés. Elle nous a parlé tout d’abord de « Le règne animal » de Jean-Baptiste del Amo. Paru en 2016 ce livre a beaucoup fait parler de lui, et, en effet, Françoise nous confirmait qu’on ne regrettait pas de l’avoir lu. Simplement il était possible qu’après sa lecture on ait envie de devenir végétarien ! Le texte est fort, poignant et vif dans sa manière de nous dire les vérités sans tourner autour d’une plume alambiquée. Le récit retrace, du début à la fin du vingtième siècle, l’histoire d’une exploitation familiale vouée à devenir un élevage porcin. Dans cet environnement dominé par l’omniprésence des animaux, cinq générations traversent le cataclysme d’une guerre, les désastres économiques et le surgissement de la violence industrielle, reflet d’une violence ancestrale.
Les mots de Françoise et l’énergie déployée pour restituer la force de dénonciation de cet écrit ont donné envie à Marie-Magdeleine de rebondir sur un autre livre, « Le Ministère du bonheur suprême » d’Arundhati Roy, qui l’avait particulièrement touchée. Car justement l’écrivaine n’hésitait pas à prendre la parole pour nous restituer la réalité de l’Inde d’aujourd’hui et de certaines régions, dont le Cachemire. En mettant ses convictions au service de sa plume, elle racontait ce que peu oseraient dire. Marie-Magdeleine avait lu le premier roman d’Arundhati Roy, « le dieu des petits riens ». « Elle a vingt ans de plus aujourd’hui » et son écrit reflète cette maturité nous disait-elle. Depuis le début de notre rencontre nous n’avions cessé de relever la présence du monde politique et l’art des écrivains de les souligner pour les dénoncer quand nécessaire. Et avions conclu que « la politique c’est la vie » malgré tout, comme disait Florence. Mais justement ici dans ce deuxième roman de l’auteur indien, la politique est omniprésente !
Yassi s’est exclamé de joie car oui, comme Marie-Magdeleine, elle avait adoré ce livre. Et justement elle se préparait à en parler en fin de réunion. D’autant plus qu’elle avait été offusquée par les propos des critiques du Masque et de la Plume. A les écouter elle aurait parié qu’aucun d’eux n’avait lu le livre, ce qui ne les avait pas empêché de le descendre en flèche. Le Masque et la Plume, en général c’est drôle, mais en l’occurrence ils avaient été navrants. Car n’oublions pas qu’Arundhati Roy risque sa vie en publiant ce livre. La seule chose qui la sauve, est son lectorat, vaste de par le monde. Elle n’a la vie sauve que parce qu’elle est lue… « Ce livre est peut-être difficile à lire », reconnaissaient Yassi et Marie-Magdeleine, mais ce que l’on en récolte vaut mille fois le chemin emprunté trouvaient-elles.
Nous nous sommes donc emportées et enthousiasmées autour de ce livre et des thèmes qu’il traite vaillamment. Car il est un autre art qui étincelle dans ce livre : celui des langues. Le livre est écrit en anglais mais il contient des dizaines d’anglais différents. L’Inde c’est 22000 dialectes, comment pourrait-on réduire ce pays à une seule langue, une seule ethnie, une seule identité culturelle. C’est pourtant l’objectif poursuivi par le gouvernement local actuel. Et c’est précisément ce que dénonce Arundhati Roy. Voilà pourquoi elle emploie ce style littéraire ahurissant où toutes les cloisons tombent, où elle donne vie et place à la multiplicité sous toutes ses formes. Marie-Magdeleine a fait un rapprochement avec un des livres de Salman Rushdie où il mettait en scène une famille du Cachemire. Elle ne se souvenait pas du titre du livre. (D’après les recherches faites pour rédiger ce compte-rendu il s’agirait de « Shalimar le clown », à confirmer par Marie-Magdeleine). Yassi de son côté recommandait la lecture de « Le dernier des maures ».
Mais elle a rebondi sur le sujet en attirant notre attention sur la difficulté de traduire ces auteurs. « Les enfants de minuit » de Salman Rushdie, tout comme « Le ministère du bonheur suprême », contient des dizaines de langues, toutes rendues par la seule grâce de l’écriture. Malheureusement cela était passé à la trappe lors de la traduction du livre de Rushdie. Le lecteur lisait un livre écrit en français, en un français unique et homogène du début à la fin.
Dans un autre registre, mais tout aussi réussi Marie-Magdeleine nous a présenté « Massacre des innocents » dernier roman paru de Marc Biancarelli. Le récit est basé sur une histoire vraie : En 1629, le Batavia, navire affrété par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, s’abîme au large de l’Australie. Les quelque deux cent cinquante rescapés ayant rejoint les îlots rocailleux alentour sont alors victimes d’un immense massacre orchestré par l’intendant Jeronymus Cornelisz, qui chaque jour s’enfonce davantage dans la violence, la cruauté et l’abjection. De cet épisode sanguinaire, Marc Biancarelli s’empare pour donner vie, corps et âme à des hommes contaminés par le Mal, qui corrompt ceux qui le touchent du doigt en un cercle vicieux dont ils ne peuvent s’extraire.
Don François nous disait que l’historien Mike Dash en avait déjà tiré un essai, et que sa lecture ne laissait en effet pas indifférent.
Tous autant que nous étions autour de notre « table ronde » de ce club de lecture, nous nous sommes exprimés autour des différents traits de l’homme, dont la violence, mis à nu dans ces récits, dans ces faits historiques relatés…
Après nos échanges passionnés nous avons laissé Françoise reprendre la parole et poursuivre la présentation de ses dernières lectures. Elle a continué de nous enflammer. Elle nous a parlé de « Le fils » de Philippe Meyer, grande saga familiale qui donne à voir le visage de l’Amérique sous tous ses atours et mis sous la loupe de l’Histoire. Elle nous recommandait vivement ce roman.
Les discussions ont alors tourné autour des Etats-Unis, Yassi nous a reparlé de Louise Erdrich et pour rebondir sur les sagas, c’est Florence qui a pris la parole. Elle venait de passer le mois et ses séjours en vacances plongée dans la saga napolitaine d’Elena Ferrante. Elle avait écouté Monique en parler l’année dernière et avait été intriguée. Elle avait bien noté que c’était un best-seller, un livre où les pages se tournent sans effort, mais au-delà de ces aspects qui semblent souvent péjoratifs pour une oeuvre littéraire elle avait à coeur de confirmer la qualité du travail d’Elena Ferrante. C’est un très bon livre. Simone, Monique et Yassi acquiesçaient. On y dépeint une époque, on donne à voir la société napolitaine mouvementée et l’on y met en scène des personnages formidablement nuancés, si bien dessinés. La place de la femme dans la société de cette époque y est très bien détaillée aussi. Oui, nous étions toutes d’accord. Cet ensemble de livres a beau être l’écrit le plus lu de par le monde – après Harry Potter – il n’en est pas moins méritant, et l’adjectif employé ici n’est pas ironique.
Nous avons noté que le dernier tome, « L’enfant perdue » venait de sortir dans sa version française.
Puis Florence nous a parlé de « La malédiction d’Edgar ». Elle nous confirmait avoir enfin compris la raison pour laquelle Marc Dugain était reconnu comme un bon écrivain par tant et tant de lecteurs. Car la lecture de « Ils vont tuer Robert Kennedy » l’avait laissée indifférente, voire largement déçue, comme elle nous l’avait dit avec force conviction lors de notre dernière rencontre.Monique a attrapé la discussion au vol. Sa déception à elle était inverse. Elle avait sincèrement aimé « Au-revoir là-haut » de Pierre Lemaître. Sans hésitation elle s’était lancée dans la lecture de « Couleurs de l’incendie », suite présumée du roman.Pour Monique ce n’était en rien une suite de l’histoire précédente. D’une part on n’y retrouvait quasiment aucun des protagonistes rencontrés auparavant, et d’autre part, ce livre était d’un ennui féroce. Ni l’intrigue ni les personnages et rien d’autre dans l’écriture ne venaient sauver ce livre. Yassi confirmait avoir entendu des critiques très tranchées sur le sujet : ceux qui avaient aimé le premier se désolaient du deuxième, et ceux que le premier avait laissait froid avaient apprécié le deuxième !
Les discussions ont ensuite tourné autour du dernier Jean d’Ormesson. Ce livre a déjà été écrit… il écrit toujours la même chose. Oui, mais on l’aime pour cela… Florence nous disait avoir pris plaisir à se plonger dans « Et moi, je vis toujours ». Nous ne pouvions faire autrement que de parler du personnage lui-même. Mireille nous confirmait que c’était un homme délicieux que Blanche avait côtoyé. Quelques anecdotes relatées nous ont confirmé dans l’idée que nous avions de cet homme, charmant, érudit et faisant toujours preuve d’une délicatesse exquise jaillissant de son éducation, mis en lumière par son esprit étincelant d’humour.
Carole nous a alors parlé du livre d’Oliver Guez, « La disparition de Josef Mengele ». Elle s’interrogeait. D’une part elle n’y avait pas réellement lu de violence à proprement parler et se demandait pourquoi le livre avait donné des cauchemars aux uns et aux autres. « Mais parce que je visualise tout ce qui est écrit entre les lignes » nous disait Florence, et en effet je n’en ai pas dormi de la nuit après !
D’autre part, Carole se demandait si l’écrivain avait cherché à ridiculiser Josef Mengele dans sa façon de le peindre dans sa vie courante. Celles qui avaient lu le livre ne le pensaient pas. Non, cette part de fiction était là pour nous indigner justement.
Et là, c’est Yassi qui s’est interrogée. Est-ce justifié d’attiser l’indignation chez son lecteur ? Elle avait écouté une interview de Peter Brook la veille. Il disait que l’objet de l’art, quel qu’il soit, n’était pas de créer ou nourrir l’indignation. Voici ses mots exacts, extraits de cet entretien :
Nous n’avons pas besoin d’avoir notre indignation – notre colère – nourris : ça se fait tout seul. Et sinon on écoute la radio, on regarde la télé et c’est nourri jour après jour mais on va au théâtre pour « recevoir » quelque chose d’autre. (…) Et j’ai dit ça très souvent mais je suis obligé de me répéter. Un grand médecin, et grand ami à moi a dit un jour « je vois que Peter et moi nous avons exactement le même but dans notre travail : que ceux qui rentrent chez nous puissent sortir un peu plus positifs qu’à l’entrée ». Ça, c’est notre devoir absolu, quel que soit le thème du spectacle, il faut qu’à la fin ceux qui sont là soient unis autour du thème. Il faut que quelque part à la sortie quelque chose en nous soit calmé et nourri et un peu plus ouvert aux autres. Toute pièce de Shakespeare bien montée, tout opéra de Mozart (etc…) doit avoir comme effet à la sortie, que quelque part, à ce moment, on sent que, quand même, la vie apporte quelque chose et que ça vaut la peine et l’effort, quels que soient les conditions, de continuer à vivre.
L’animatrice de cette émission a aussi cité une phrase de son livre « du bout des lèvres » qui porte la même idée :
Au moment où les thèmes sociaux et politiques sont ou devraient être ce qui nous touche au plus profond, comment échapper à la banalité de l’évidence, à l’insulte bavarde, à la protestation naïve.
Et Yassi disait, pour préciser sa perplexité, qu’elle n’aimait pas les écrivains « qui jouaient avec ses nerfs ». Marie-Magdeleine est intervenue pour répondre, tout du moins réagir, à cette interrogation. Elle nous a fait remarquer que ce qu’une lecture éveille en nous dépend de notre sensibilité et de notre état d’esprit à ce moment-là.
Cette réponse a interloqué Yassi. En effet, récemment elle avait conseillé un livre (et un écrivain) qu’elle aime beaucoup à sa soeur : Exit West de Mohsin Hamid. La pauvre en a eu des insomnies une longue semaine durant alors que Yassi n’avait pas trouvé ce livre terriblement dur, au contraire, elle l’avait trouvé joli…
Et le club de lecture a suivi son cours.
Françoise nous a parlé de « Supplication », un essai de la Nobel de littérature Svetlana Alexievitch. Nous avons rebondi sur le sujet des Nobels de littérature, puis sur la réaction du monde littéraire à l’encontre de la nomination de Bob Dylan pour ce prestigieux titre. Yassi nous a rappelé que c’était une des raisons pour lesquelles elle avait tant aimé le discours Nobel de Kazuo Ishiguro. Il expliquait à quel point l’influence des chanteurs avait été importante dans son devenir d’écrivain. Il disait, à la fin de son discours, pourquoi c’était important de s’ouvrir à d’autres genres et d’autres formes que ce qui nous est coutumier.
Don François, de son côté, a réagi au livre présenté par Françoise pour nous conseiller de lire « Zouleika ouvre les yeux » de Gouzel Iakhina : Dans les années 1930, au Tatarstan, au cœur de la Russie. À l’âge de quinze ans, Zouleikha est mariée à un homme bien plus âgé qu’elle. Ils ont eu quatre filles, mais toutes sont mortes en bas âge. Pour son mari et sa belle-mère presque centenaire, très autoritaire, Zouleikha n’est bonne qu’à travailler. Un nouveau malheur arrive : pendant la dékoulakisation menée par Staline, le mari est assassiné et la famille expropriée. Zouleikha est déportée en Sibérie, qu’elle atteindra après un voyage en train de plusieurs mois. En chemin, elle découvre qu’elle est enceinte… Notons que ce livre avait été sélectionné pour le Prix Médicis étranger 2017.
Puis nous avons longuement parlé de Cormac McCarthy. Françoise avait été extrêmement déçue par son livre très grand public « La route » (que Yassi rattrapait par certains aspects qui l’avaient particulièrement touchée). Mais Françoise nous a en effet donné envie de nous plonger dans l’oeuvre de cet écrivain, dans ses livres précédents qui le caractérisent mieux.
Et puisqu’il était question des écrivains que nous chérissions et qui nous rendaient malheureux en nous décevant par leurs publications ultérieures… nous avons parlé de Paul Auster ! Yassi avait envie d’avoir l’avis d’Annie sur 4321, le dernier livre de cet écrivain, publication très récente, qui a été finaliste du Man Booker Prize 2017. C’est un pavé de 1000 pages qui narre quatre versions différentes, et possibles, de la vie d’un homme. Paul Auster reste fidèle à son obsession sur les questions du destin. Annie ne l’avait pas encore terminé et s’est proposé de nous en parler la prochaine fois. Néanmoins pour le moment le livre lui plaisait même s’il était un peu complexe : les quatre histoires en question sont constamment entremêlés.
Nos réactions ont été multiples et variées. D’un côté nous trouvions qu’un écrivain et son éditeur ne devaient pas laisser sortir des livres non aboutis simplement pour des raisons commerciales et financières. D’un autre côté Yassi attirait notre attention sur l’injustice des prix et médias envers un écrivain. Mathias Enard, par exemple, était désormais connu pour son Goncourt « Boussole » et auparavant « Zone » (prouesse littéraire où les 500 pages du livre ne forment qu’une seule et même phrase). Or ces deux livres donnaient l’image d’un écrivain illisible. Elle nous encourageait tous à lire « Rue des voleurs » du même écrivain ; excellent livre et presque prémonitoire. Elle soulignait, si nécessaire, la grande érudition de Mathias Enard et sa connaissance du Moyen et Proche-Orient, où il a séjourné, dont il parle parfaitement les langues.
Puis Françoise nous a recommandé deux autres oeuvres. Là encore elle nous a donné très envie de les lire :
« Le mur invisible » de Marlen Haushofer :Après une catastrophe planétaire, l’héroïne se retrouve seule dans un chalet en pleine forêt autrichienne, séparée du reste du monde par un mur invisible au-delà duquel toute vie semble s’être pétrifiée durant la nuit. Tel un moderne Robinson, elle organise sa survie en compagnie de quelques animaux familiers, prend en main son destin dans un combat quotidien contre la forêt, les intempéries et la maladie.
« Dans la forêt » de Jean Hegland : Quand la civilisation s’effondre et que leurs parents disparaissent, Nell et Eva, dix-sept et dix-huit ans, demeurent seules, bien décidées à survivre. Il leur reste, toujours vivantes, leurs passions de la danse et de la lecture, mais face à l’inconnu, il va falloir apprendre à grandir autrement, à se battre et à faire confiance à la forêt qui les entoure, emplie d’inépuisables richesses.
Yassi a finalement repris la parole pour conclure en nous présentant rapidement les autres livres qui l’avaient charmée récemment :
« Larmes Blanches » de Hari Kunzru lui avait permis de comprendre un élément clé concernant la société anglo-saxone et l’historique de la condition des noirs américains. Le récit était pourtant centré sur la musique et mettait en scène l’amitié entre deux jeunes hommes qui se lançaient dans l’aventure de créer un label de musique. Lentement le récit glissait vers une histoire de fantômes et…
« Les huit montagnes » de Paolo Cognetti (Prix Médicis étranger 2017) est un roman sensible et intimiste racontant la vie d’un montagnard italien. Là encore une belle histoire d’amitié est développée. Le drame de la difficulté de mener une vie rurale est merveilleusement contée. C’est un livre qui plaira à tous ceux qui aiment la montagne, « l’esprit » des hommes de montagnes.
« Des larmes sous la pluie » de Rosa Montero est un fabuleux livre d’anticipation. Les personnages sont attachants et époustouflants. Haletant et extraordinaire dans sa créativité, le récit nous livre pourtant bien des pensées profondes sur notre société actuelle. Rosa Montera est journaliste pour le quotidien espagnol « El Pais ». Yassi avait énormément aimé ce livre et prévoyait de lire bien d’autres Rosa Montero !
Pour finir Yassi a résumé brièvement le fil directeur de « Le ministère du bonheur suprême » d’Arundhati Roy qui nous avait tant fait parler.
Le prochain club de lecture se tiendra le vendredi 23 mars 2018 et non pas le dernier vendredi du mois de mars en raison des jours fériés et de la fermeture de la bibliothèque ce jour-là.
Un dernier mot encore. Merci à toutes les personnes présentes qui contribuent au souffle de vie qui règne et circule dans ce club de lecture, et qui ne sont pas évoqués dans ce compte-rendu. Le principe de ce club de lecture, nous l’avons redit, est une liberté totale. Participent ceux qui le désirent, interviennent ceux qui le désirent… Merci donc à Marie-Josée, à Agnès, à Mario, à Simone, qui nous rejoint malgré ses contraintes par ailleurs… et bien entendu à nos bibliothécaires Carmela et Marie-Jeanne qui nous choient.
N’oublions pas aussi de remercier Sandrine qui était avec nous. Venue pour couvrir notre club de lecture et le restituer dans un article pour Corse-matin, elle a été d’une grande discrétion pour nous interviewer et nous prendre en photo. Elle est elle-même une grande lectrice, nous serions bien heureuses de l’écouter nous parler des livres qu’elle aime.
Voici les articles de Kimamori que vous pourrez lire sur les livres évoqués dans ce compte-rendu :
– Jours Barbares de William Finnegan
– Le ministère du bonheur suprême d’Arundhati Roy,
– Larmes blanches de Hari Kunzru,
– Les huit montagnes de Paolo Cognetti,
– Des larmes sous la pluie de Rosa Montero.
Vous pourrez écouter la traduction française de Yassi, lue par elle, du discours Nobel de Kazuo Ishiguro en cliquant ici.
Vous pourrez lire l’article de Yassi sur Peter Brook en cliquant ici. Et n’hésitez pas à écouter l’intégralité de l’émission radio évoquée dont sont extraits les quelques phrases du metteur en scène mis en lumière dans ce compte-rendu en cliquant sur les mots bleutés ci-dessus. Et voici un lien vers une émission radio où Pablo Sévigné présente son livre (l’Entraide, l’autre loi de la jungle).
Parmi les titres évoqués dans ce compte-rendu, les livres suivants sont disponibles à la bibliothèque de Porto-Vecchio :
– Le dieu des petits riens d’Arundhati Roy,
– Le règne animal de Jean-Baptiste del Amo,
– Le massacre des innocents de Marc Biancarelli,
– Certaines oeuvres de Louise Erdrich,
– La disparition de Josef Mengele d’Olivier Guez,
– L’amie prodigieuse d’Elena Ferrante, (tome 1)
– Le nouveau nom d’Elena Ferrante, (tome 2)
– Celle qui fuit et celle qui reste d’Elena Ferrante, (tome 3)
– Ils vont tuer Robert Kennedy de Marc Dugain,
– La malédiction d’Edgar de Marc Dugain,
– Au-revoir là-haut de Pierre Lemaître,
– Couleurs de l’incendie de Pierre Lemaître,
– Et moi je vis toujours de Jean d’Ormesson,
– La route de Cormac McCarthy,
– Zouleika ouvre les yeux de Gouzel Iakhina.
Les illustrations présentées dans cet article, hormis les couvertures de livres, sont les oeuvres de :
– Garcia Mug Poterie (céramique),
– Nathan Gelgud, illustrateur,
– Felipe Olivera, photographe (vague),
– Bharat Sikka, photographe (Arundhati Roy)
– Cromo-Folia
– Portrait d’une femme endormie de Pablo Picasso