Eh oui, le premier roman d’Umberto Eco ne date que de 1980, raison qu’il invoque lui-même pour se voir en jeune romancier. En trois chapitres inégaux l’auteur nous parle avec aisance et assurance des caractéristiques d’écrivain romancier en lui. J’avoue avoir été très intriguée par sa manière de travailler. Les schémas et itinéraires qu’il trace dans le moindre détail avant d’écrire son histoire ; la précision qu’il confère à chaque événement en chronométrant par exemple un trajet parcouru par les personnages du roman. Un long débat s’ensuit sur l’intelligence avec laquelle ses lecteurs peuvent le lire, et la sur-interprétation qui s’en mêle parfois. Dans un dernier chapitre il nous raconte sa lubie des listes, son plaisir d’en faire, et son plaisir d’en lire chez les autres comme dans l’Ulysse de James Joyce. Au total j’en ai retenu l’attention extrême qu’il consacre au contenu de ses écrits. Et cela m’a rappelé qu’il ne faut pas oublier de lire avec cette même attention.
Mais je vais probablement clore en parlant de ce thème magnifique qui est abordé dans le livre : celui du roman vu comme un monde possible, et de ses personnages comme plus réels, dans l’absolu, que tout personnage historique qui aurait réellement existé. Voilà une idée que j’achète de suite sans hésitation. Que de fois ne m’arrive-t-il pas par jour de croiser une situation, une parole, un geste que je parviens à comprendre parce que ma mémoire me fait visualiser alors une image, parfaitement réelle et d’une transparence absolue, sortie d’un roman lu ! Umberto Eco note que la vie, la mort, le vécu d’un personnage de fiction sont des références parfaitement fixes et incontestables. Peut-on en dire autant des phénomènes terrestres?!
CONFESSIONS D’UN JEUNE ROMANCIER
Umberto Eco
Éd. Grasset, 2013 (v.o. 2011)
Traduit de l’anglais par François Rosso