Régulièrement je me laissais ravir par la plume de Wajdi Mouawad en savourant ses articles qui paraissaient parfois dans le supplément Livres du journal Le Monde. Depuis longtemps déjà je désirais lire un de ses livres. Or j’aime mieux aller au théâtre que lire des pièces de théâtre et son dernier roman, Anima, me faisait peur par la grande part de violence qu’il semble contenir. Un libraire me conseilla de lire ce titre, le premier roman de l’écrivain.
Dans mon imaginaire, et suite à la lecture des articles de l’écrivain, je voyais un homme blanchi par l’âge, tant ses mots semblaient empreints de sagesse et de profondeur éclairée. Or je fus bien surprise de voir le visage de cet homme jeune dans les émissions littéraires. Quelle ne fut pas ma surprise aussi de réaliser que l’écrivain, libanais d’origine, séjournait au Canada et que le tollé que l’éventualité de la participation de Bertrand Cantat sur une scène de théâtre avait provoqué dans ce pays était lié à ce même Wajdi Mouawad, dramaturge et metteur en scène de trois pièces de Sophocle en cette occasion-là.
Dans le présent récit c’est un jeune garçon de 14 ans, puis de 19 ans qui nous parle. Enfant au Liban, il vit le commencement de la guerre civile puis émigre. Le visage de la mort le hante. Et le jour de ses quatorze ans, subitement, les yeux de l’enfance le quittent pour le laisser démuni face à la ruine qu’il doit confronter en la personne de sa mère – et dans une certaine mesure de sa sœur. Il ne parvient plus à les reconnaître et trouve pour seule solution de faire une fugue.
Le livre est écrit en trois parties intitulées « la peur », « la beauté » et « la colère ». L’écrivain et dramaturge met en scène ces trois émotions par ses mots, et l’âme qu’il y insuffle. Le chapitre de la beauté m’a fait penser au Grand Meaulnes ; cette même échappée du réel, ce même voyage à la quête de l’innocence et de l’amour encouru par un garçon en passe de devenir homme.
VISAGE RETROUVÉ
Wajdi Mouawad
éd. Actes Sud, 2003
Signalons que depuis 2016 Wajdi Mouawad est le directeur du Théâtre de la Colline à Paris.