C’est agréable de lire parfois un livre qui se dévore. Je ne suis pas une grande lectrice de fantastique ni de littérature jeunesse mais cet écrit qui se place pourtant entre les deux m’a enchantée… et c’est bien un livre pour adulte dont il s’agit ! Il nous emporte ailleurs et nous imprègne d’un parfum d’évasion émouvant, puis bouleversant. Et tout ce temps le réel se cache si bien entre les lignes qu’au travers de l’histoire lue on en aura presque lu une deuxième simultanément, très humaine, et si triviale qu’elle en devient essentielle.
C’est un regard d’enfant qui nous livre l’histoire, qui en devient par là même encore plus délicieuse. Un homme fait un détour par le lieu où se trouvait sa maison d’enfance, avant de se rendre à la réunion de famille organisée à l’occasion de funérailles d’un proche du narrateur. Le voilà tout comme téléguidé, vers une derrière sa demeure d’autrefois. Il s’y engage, découvre cette ferme qu’il a si bien connu enfant, entre, reconnaît la maîtresse de maison et lui demande l’autorisation de se rendre auprès du lac de la demeure. Il s’installe sur un banc, contemple ce plan d’eau et il lui revient en mémoire, de fil en aiguille, l’aventure vécue l’année de ses sept ans.
Le livre est ce retour en arrière : un cont
e fantastique qui trace les événements extraordinaires de ce passé oublié. C’est une histoire d’amitié qui se déroule sous nos yeux, une histoire universelle d’amour et de haine, de peur et de soutien. Mais celle-ci se déploie sous les atours de la magie, avec pour invités des créatures maléfiques, qu’il va falloir combattre pour être épargné du néant. Et nous voilà confrontés à l’un ordre de l’univers tant visible qu’invisible qui traverse le temps et l’espace tel que nous pourrions les concevoir.
La poésie est présente à tout moment dans le récit puisque, par exemple, la grand-mère et reine fée de cette fameuse ferme du bout de l’allée aime convoquer la lune pleine à l’arrière de la maison le soir, quand bien même ce ne serait pas une nuit de pleine lune, parce que c’est plus joli comme cela ! Dans cette maison où trois femmes de trois générations différentes emploient la couture pour extraire de la vie le laps de temps d’une soirée désagréable, où elles côtoient et régissent les créatures de l’au-delà, ce petit garçon trouvera son bonheur parce que la cuisine est une pièce chaleureuse, parce que les plats qu’il y savoure relèvent d’une cuisine à la plus grande simplicité, celle que l’on sait être intemporelle.
J’aurais bien du mal à vous en dire plus sans retirer du suspens inouï qui vous tiendra en haleine tout au long de la lecture. Car commencer ce livre s’apparente à une plongée en eaux profondes où en un clin d’oeil les quelques trois cents pages sont parcourus, sans effort et avec béatitude… L’on ferme le livre avec la sensation de sortir d’un songe au sein duquel on aurait bien aimé continuer de séjourner quelques centaines d’années encore.
L’OCÉAN AU BOUT DU CHEMIN
(The Ocean at the End of the Lane)
Neil Gaiman
éd. Au diable vauvert, 2014 (v.o. 2013)
Traduit de l’anglais par Patrick Marcel
Pour ceux qui aiment les livres qui ont pour narrateur des enfants, vous pourrez vous référer à cet article.