J’avais rencontré cet écrivain à un Salon du Livre, en 2010. De père britannique et de mère libanaise, il écrit en français sans jamais cesser de jouer de son humour très anglais ! Ses romans sont répertoriés dans la catégorie policier/espionnage. Mais cet homme m’avait semblé doté d’une telle finesse d’esprit et d’une curiosité intellectuelle si prononcée que ses livres, m’étais-je dit en l’écoutant lors des conférences, devaient être certainement davantage que de simples romans policiers. Je le découvre, aujourd’hui enfin, au travers de ce Moore le Maure, publié il y a une dizaine d’années et me trouve confortée dans ma première impression.
En effet, Percy Kemp analyse sa société et met le doigt sur des phénomènes profondément inquiétants, non seulement en les tournant en dérision mais en nous plongeant joyeusement dans cette légèreté inconséquente propre à nos sociétés modernes. Décontenancée me suis-je trouvée, au sortir de cette lecture. Un temps sans lecture aucune me suis-je octroyée, pour une fois, afin de vivre la digestion lente et méditative que requiert ce livre.
Lesly Moore, espion auprès des services britanniques, homme séduisant, très versé dans les relations humaines et le contact en direct, commence de s’éprendre de la technologie. Dès lors il est engagé sur un chemin irréversible de perte de toutes sensations dermiques. Il s’objectivise, nous dit Percy Kemp, en se délectant désormais de ce nouveau mode de vie qu’il découvre : au travers de l’écran de l’ordinateur. Par ailleurs il cherchera à retrouver ses sens perdus, mais en évitant tout échange humain personnalisé. Il finira en ange moderne : faisant preuve d’un détachement parfait par rapport à toutes choses ! Lire le parallèle que fait Percy Kemp entre l’état angélique et celui de légume léthargique qui s’empare de son personnage est chose fabuleuse !
À lire aussi de Percy Kemp : Noon Moon.