Je n’aurais pas imaginé qu’il fut possible d’écrire un livre si émouvant en gardant pourtant le lecteur à distance par un cérémonieux « vous »*. L’intégralité du livre est écrit à la deuxième personne du pluriel, d’un « you » anglais qui s’adresse à sa cible marketing : les lecteurs d’un manuel de développement personnel. Or il s’agit d’un manuel un peu particulier puisqu’il détaille la recette à appliquer pour escalader les échelons de la société et devenir affreusement riche, dans un pays émergeant ! Un froid détachement est employé qui s’arroge le droit de stimuler le disciple en tous points voire de lui interdire certaines émotions ; je prends pour exemple un des conseils apparaissant dès les débuts du récit : celui de rayer de la carte l’éventualité de tomber amoureux !
L’humour malicieux, savamment dosé, se saupoudre discrètement sur tous les plats – et plaies. Le livre a bien la saveur d’une tragédie comique et cela ne surprendra ni n’impressionnera le lecteur aguerri. En revanche, que nous nous attachions à ce personnage principal, qui illustre par sa vie le propos de l’écrivain et qui inlassablement s’attèle à gravir les fameux échelons dont nous parlions plus avant, que de surcroit nous soyons terriblement émus en fin de lecture, est un brin plus étonnant.
Mohsin Hamid est un écrivain et essayiste pakistanais. Il a vécu à Londres, New York et Lahore. Ses livres sont traduits dans une trentaine de langues dont en français.
Récit initiatique et fort lucide sur notre époque et sur l’Homme, ce roman est aussi bref que poignant. Le livre parcourt un trajet de vie du début à la fin, depuis la naissance de ce petit garçon dans un village reculé, en passant par ses premières années de vie citadine, son ascension professionnelle et la suite, jusqu’au jour de sa mort. Et nous lecteur, en récoltons une séduisante définition de l’Amour et de la vie, touchante s’il en est.
* J’ai lu ce livre dans sa version originale à sa sortie. Je ne sais donc pas si la traduction française a opté pour un « tu » ou pour un « vous » tel que je le présume dans cet article.
COMMENT S’EN METTRE PLEIN LES POCHES EN ASIE MUTANTE
(How to get filthy rich in rising Asia)
Mohsin Hamid
Éd. Grasset, 2014 (v.o. 2013)
Traduit de l’anglais (Pakistan) par Bernard Cohen
J’invite aussi les anglophones à lire son dernier livre Exit West, publié en 2017, qui sera probablement traduit bientôt en français.
Vous pouvez vous référer au site de l’écrivain ici, et l’écouter dans l’émission bookworm ici (en anglais).
Le thème traité dans ce livre m’a fait penser au livre Le Tigre Blanc d’Aravind Adiga.