J’avais du mal à trouver les livres d’Alissa York et quelle ne fut pas ma joie de voir que les éditions Liana Levi avaient publié son dernier livre en traduction française. En général je préfère lire les livres anglophones dans leur version originale mais il m’a semblé que la traductrice avait fidèlement restitué l’esprit du texte et rendu la fluidité et la discrétion propres à la plume de l’écrivain. Sans hésiter je vous recommande ce livre et puisque c’est la saison plage ce sera une bonne lecture estivale, si tant est que la nature amazonienne ne vous rebute pas ! Car la particularité d’Alissa York est de donner le rôle principal dans ses romans à la nature, avec en seconds rôles des êtres humains amis de la nature. Ici nos personnages sont des passionnés de la faune et la flore peu connue et peu répertoriée de la forêt amazonienne. Nous sommes au XIXème siècle et une femme qui s’enchante à la vue d’un caïman ou d’un boa, ça ne court pas les rues… Telles sont les héroïnes de ce récit !
A la suite du décès accidentel de son mari, chercheur et biologiste, Iris décide de maintenir l’expédition qu’il avait organisée sur le Rio Negro et l’Amazone. Elle s’y rendra elle-même avec sa dame de compagnie, toutes deux passionnées de reptiles et d’insectes multiples et variés. Le fils du défunt mari, né au Brésil d’une mère venant des tribus indigènes accepte de les accompagner. Et voici que ces dames en corset, culottes et jupes vont s’engager dans une aventure surprenante. Elles exerceront leur liberté jusque porter un pantalon sans s’offusquer du ridicule et de l’indécent que cela aurait représenté dans leur Amérique puritaine… Et nous voici emportés à leur côté dans cette observation fine de la nature, dans la découverte de la compréhension naturelle que les habitants de cette forêt ont de chaque herbe, chaque volatile ou rampant. L’atmosphère est donc tant fraîche que moite, tant lente que virevoltante. Mais le récit coule dans la lenteur de ces temps que nous ne connaissons plus, maître dans une année 1867…
J’ai aimé ce livre parce que j’ai été revigorée au contact de ces personnages qui ont une passion et qui vivent par et pour elle. J’ai été apaisée par le récit structuré comme un classique doté de personnages entiers et humains tel que cela se faisait dans la littérature d’antan. Et j’ai apprécié aussi l’honnêteté du dire d’Alissa York. Ceux qui vivent réellement dans la nature et avec elle n’ont pas les pudibonderies de nous occidentaux fervents défenseurs marketing de l’écologie. Le respect de la nature n’est pas dans les mots mais dans son acceptation comme entourage au quotidien. La nature se sent, se devine, demande de la vigilance et de l’attention. L’histoire du roman en lui-même est tendre et chaleureux mais toujours en gardant une certaine distance. Merci à Alissa York pour ce récit hors du temps qui nous offre une évasion appréciable.
LE NATURALISTE
(The Naturalist)
Alissa York
Ed. Liana Levi, 2016
traduit de l’anglais (Canada) par Florence Lécy-Paoloni