Une histoire, pour être belle doit-elle être nécessairement triste ? Certaines cultures le pensent. Et une histoire d’amour, lorsqu’elle est déchirante, éveille notre capacité à ressentir une émotion profonde, inhabituelle. C’est un Roméo et Juliette que nous avons ici, reliant la France et l’Indochine, d’amour et de violence, de beauté et d’injustice monstrueuse. Mais cette lecture est une perle de douceur nacrée et puisqu’elle se lit tel un souffle léger et délicat de brise automnale, on ne peut que reconnaître qu’elle porte bien son nom, « L’ombre douce ».
Yann quitte sa Bretagne Belle-Iloise pour s’enrôler dans l’armée. Mai coule ses jours au couvent et à l’hôpital comme aide infirmière à Hanoi, éloignée de sa famille après le décès de sa mère. Point de place pour elle dans sa famille, très autre. Point de place non plus pour Yann dans sa famille, tout aussi autre. Car ces deux êtres sont dotés d’une sensibilité toute particulière. Et leur rencontre naturellement ne peut que les unir de liens solides. Yann, blessé de guerre, se retrouve en effet à l’hôpital et Mai déploie toutes ses ressources pour le garder là, aussi longtemps que possible. Mais leur histoire, à peine effleurée et déjà éternelle dans sa force, pourra-t-elle avoir un avenir ? L’impossible ils tenteront. Et le lecteur ils raviront !….
Cette lecture est une promenade, tout en finesse, dans un paysage dessiné par la main de la délicatesse, avec des contours évanescents, fondus dans une brume au charme phénoménal. Si c’était une musique ce serait du violon, si c’était un objet ce serait une plume, et si c’était une marque elle serait indélébile. Cela ne nous étonnera pas d’apprendre que l’écrivaine a choisi pour thème de sa thèse de doctorat de Lettres modernes « L’eau dans la poésie de Paul Claudel et celle de poètes chinois et japonais »…
L’OMBRE DOUCE
Hoai Huong Nguyen
éd. Viviane Hamy, 2013