Après Les tambours du Dieu noir, novella dont je vous parlais il y a quelques mois, la maison d'édition l'Atalante a publié deux autres textes majeurs de l'auteur P. Djéli Clark ; Le mystère du tramway hanté, et Ring Shout, cantique rituel, que je vous présenterai très bientôt.
Les tambours du Dieu noir m'avait totalement emporté, j'avais tout adoré ; des décors de la Nouvelle-Orléans, aux légendes africaines, jusqu'au style ambitieux et à l'imagination fascinante de l'auteur. Je m'étais promise d'être de toutes ses prochaines sorties, c'est chose faite !
Dans Le mystère du tramway hanté, nous voilà en 1912, replongés dans l'univers uchronique que nous avions exploré dans la nouvelle L'Étrange Affaire du djinn du Caire. C'est avec bonheur que nous retrouvons une Égypte libre où pullulent des êtres magiques, arrivés sur terre après l'ouverture d'un portail donnant sur leur monde. À leur contact, notamment grâce à certains Djinns, Le Caire connaît des progrès technologiques époustouflants. Le ministère de l'Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles est de nouveau sollicité pour régler une affaire épineuse ; une rame du tramway aérien qui surplombe la ville semble être hantée, plusieurs passagers ayant été attaqués par une force surnaturelle ... En pleine manifestations suffragettes, les enquêteurs Hamed Nasr et le jeune agent Onsi Youssef sont chargés de faire la lumière sur cette affaire.
«Aujourd'hui, même à la Sorbonne, on étudie les enchantements. Oxford comme Cambridge ont ouvert des écoles de surnaturel ces deux dernières années. On ne peut plus guère bouder les disciplines transcendantales."
Les deux enquêteurs devront comprendre quel genre d'entité hante la voiture 015, avant de déterminer la meilleure des contre-attaques pour en venir à bout. Il est très intéressant de découvrir les questionnements et le cheminement nécessaire avant de découvrir la créature qui sème la panique dans la rame, et les légendes qui l'accompagnent. Nos deux héros découvrent les mythes de plusieurs pays, et les recommandations de chacun pour se débarrasser d'un être un peu trop agressif. Ne pouvant avoir recours aux service d'un Djinn, trop onéreux, c'est au cœur de mouvements féministes luttant pour le droit de vote qu'ils trouveront de l'aide …
Le worldbuilding de l'auteur est l'immense point fort de ses œuvres. L'univers est riche, vivant, crédible. On respire le Caire, on perçoit cette modernité fulgurante qui se mêle aux traditions et au folklore oriental. Si le personnage de l'enquêtrice Fatma El-Sha’Arawi, que nous avions découvert dans l'étrange affaire du Djinn du Caire, n'est que très peu présent, l'auteur donne encore une fois la part belle aux femmes et à leurs combats - dont le droit de vote, obtenu dans la nouvelle bien plus tôt que dans la réalité, et surtout très en avance sur d'autres pays occidentaux - ce qui était déjà très marquant dans ses œuvres précédentes.
La novella, finaliste des prix Hugo, Locus et Nebula 2020, mêle parfaitement l'univers Steam punk cher à l'auteur, et l'enquête policière. En très peu de pages, le lecteur n'a ni le temps de s'ennuyer ni le temps de trouver que l'histoire est expéditive. Je ne peux que vous en conseiller la lecture, qui n'est certes pas surprenante dans le déroulé de son histoire, mais qui est sans nul doute passionnante et originale dans l'univers qu'elle dépeint.
La photographie en tête de l'article est d'© Amalia Luciani pour Kimamori.
Article d'Amalia Luciani
Historienne de formation, elle est enseignante, photographe et nouvelliste. Elle a été journaliste en freelance.
Responsable de la rubrique Littérature de l'Imaginaire, elle gère le compte et les communications Instagram. Elle est également l'experte polar de Kimamori.