Le Prix littéraire international de Dublin (Dublin International Literary Award), créé en 1996, est un des prix littéraires les plus passionnants que je connaisse. Je puise dedans chaque année pour élargir le champ de mes lectures. Et il fait aussi partie de mes sources d'information sur les publications internationales.
La première sélection de ce prix est faite par les bibliothécaires du monde entier, plus précisément, cette année, de 119 villes et de 40 pays. 156 romans écrits ou traduits en anglais sont retenus dans cette sélection. Nous avons jusqu'au 2 avril 2020 pour les lire, date à laquelle la liste des finalistes sera révélée. Le nom du lauréat sera connu le 10 juin 2020. La somme de 100 000 euros sera remise à l'heureux.se élu.e. Dans le cas où ce serait un livre traduit un quart de la somme irait au traducteur.
Notons que parmi les 156 livres nominés 51 sont des premiers romans et 50 sont des livres traduits de 41 langues différentes dont : l'allemand, l'arabe, le catalan, le coréen, le croate, le danois, l'espagnol, l'estonien, le finnois, le français, l'islandais, l'italien, le japonais, le malais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le roumain, le russe et le slovène.
En parcourant la liste des nominés on remarque que :
- 6 livres français font partie de la liste,
- Des lauréats récents d'autres prix internationaux, tels que Anna Burns pour Milkman (Booker), Paolo Cognetti pour Le huitième montagne (Strega), Esi Edugyan pour Washington Black (Scotiabank Giller), Tayari Jones pour Un mariage américain (Women's Fiction), Sigrid Nunez pour L'ami (National Book Award), Tommy Orange pour Ici n'est plus ici (Pulitzer et National Book Award) font partie de la liste,
- Les Nobel de littérature des deux dernières années, Peter Handke et Olga Tokarczuk, sont représentés par leurs dernières publications en anglais,
- Des écrivains prolifiques et connus tels que Javier Marias, Mia Couto, Michael Ondaatje, Julian Barnes, Jonathan Coe, Barbara Kingsolver, Martin Suter, Audur Ava Olafsdottir, Kate Atkinson, Richard Powers ou Haruki Murakami sont nominés,
- Et puis, les étoiles montantes des lettres internationales font partie de la sélection, tels que Oyinkan Braithwaite, Rachel Cusk, Ling Ma, Rebecca Makkai, Madeline Miller, Ottessa Moshfegh, Sayaka Murata ou Sally Rooney,
- Fort heureusement pour nous, bon nombre de ces 156 titres existent déjà dans une traduction française.
Pour visualiser l'ensemble des 156 nominés cliquez ici et accédez à la page officielle du Dublin International Literary Award.
Une deuxième chronique Kimamori viendra compléter cet article. Aujourd'hui j'ai choisi de vous parler des livres et auteurs que je connais, que j'ai lus (ou suis en train de lire). Une chronique future vous présentera tous ces livres que je ne connaissais pas avant de parcourir la sélection du prix de Dublin et que je vais prendre le temps d'explorer.
Vous trouverez ci-dessous les romans français nominés, présentés ici sous leur couverture anglaise, les romans déjà traduits et quelques autres qui ne le sont pas encore.
Romans français de la sélection
- Désorientale, de Négar Djavadi est publié aux éditions Liana Levi en 2016. Le roman est disponible en format poche (piccolo de Liana Levi).
- Le dernier des nôtres, d'Adélaïde de Clermont Tonnerre est publié chez Grasset, et disponible en poche (le livre de poche).
- Le grand marin, de Catherine Poulain est une publication des Editions de l'Olivier, et disponible en poche (Points).
- Petit pays, de Gaël Faye est paru chez Grasset, disponible en poche (livre de poche).
- Histoire de la violence, d'Edouard Louis est publié par les éditions du Seuil et disponible en poche (Points).
- Chanson douce, de Leïla Slimani est une publication Gallimard, disponible en poche (folio).
Romans traduits chroniqués par Kimamori
Ces romans font partie de la première sélection du prix international littéraire de Dublin 2020. Je les ai lus et aimés avant l'annonce de leur nomination. Ils sont déjà traduits et disponibles en français. Vous pourrez accéder à ma chronique du livre en cliquant sur la photo de couverture du livre ou sur le texte bleuté correspondant.
Je vous recommande vivement Ombres sur la Tamise de Michael Ondaatje paru cette année (2019) aux éditions de l'Olivier, traduit par Lori Saint-Martin et Paul Gagné. Vous connaissez cet écrivain pour avoir vu ou lu Le patient anglais. Ici il nous plonge dans un univers brumeux londonien de l'après-guerre. Roman d'espionnage, de formation, de découverte d'une époque, il est riche et poignant. Cliquez ici pour lire ma chronique.
Konbini de Sayaka Murata est un livre singulier qui a fasciné le lectorat anglophone depuis sa publication en 2016. Il est paru en 2018 aux éditions Denoël, traduit en français par Mathilde Tamae-Bouhon. Il relate l'aventure d'une jeune japonaise employée d'une chaîne de supérettes nommée Konbini. Aussi étrange que cela puisse paraître elle s'y épanouit! Roman de la différence et de la difficulté de s'écarter des conventions établies, il frappera son lecteur de plein fouet. Cliquez ici pour lire ma chronique.
Audur Ava Olafsdottir vient de remporter le prix Médicis étranger avec son tout dernier roman traduit en français, Miss Islande. C'est son précédent roman, traduit en anglais, qui est sélectionné ici : Ôr de son titre français (Hotel Silence, titre anglais) est traduit en français par Catherine Eyjólfsson et comme tous les autres romans de l'écrivaine publié par les éditions Zulma. Le personnage principal est un homme d'âge mûr, fatigué de la vie qui part dans un pays en guerre. Il se déplace toujours avec sa boîte à outils. Il était parti au bout du monde pour mettre fin à ses jours, or voilà qu'il est très utile, très apprécié, très en vie là-bas! Cliquez ici pour lire ma chronique.
Un mariage américain de Tayari Jones, traduit en français par Karine Lallechère et publié par les éditions Plon a remporté le prix littéraire anglais Women's Prize for Fiction. Il relate la mésaventure d'un jeune couple noir du sud-ouest américain. L'homme sera accusé à tort d'un viol et se verra condamné à une peine de douze ans de prison ferme. Dès lors le couple se désagrège fatalement. Triangle amoureux, réalité de l'Amérique d'aujourd'hui, tendresse et humanité sont fondus à chaque page du récit. Roman d'une grande profondeur, il gagne le cœur des lecteurs de tous pays. Cliquez ici pour lire ma chronique.
Milkman de Anna Burns, est un livre hors du commun. Il a remporté le grand prix littéraire Booker à sa sortie. C'est la toute première fois qu'un écrivain nord-irlandais était récompensé par ce prix, et ô combien c'était mérité. Il sera publié aux éditions Joëlle Losfeld, traduit en français par Jakuta Alikavazovic en mars 2020. Je l'ai lu lentrement, car il est impossible de le lire vite, et je vous en parle avec émotion : cliquez ici pour lire ma chronique.
Les huit montagnes de Paolo Cognetti, est traduit en français par Anita Rochedy et publié par les éditions Stock. Il a remporté le prestigieux prix littéraire italien Strega à sa sortie ; en France il a reçu le prix Médicis étranger. Roman tendre et lucide il nous plonge dans la difficulté aujourd'hui de perdurer dans une vie rurale, d'agriculteur et d'éleveur. Roman de montagne avec la force et le taiseux de ses habitants il touche son lecteur. Cliquez ici pour lire ma chronique.
L'ami de Sigrid Nunez, traduit en français par Mathilde Bach et publié par les éditions Stock a remporté le prestigieux prix littéraire américain National Book Award. C'est une promenade littéraire, un roman de la solitude mais aussi un récit très actuel sur la relation homme-femme. Et puis, l'amitié joue un rôle central dans l'histoire. À la mort de son meilleur ami la narratrice se voit obligé d'accueillir chez elle le chien du défunt. Et ce n'est pas n'importe quel chien, c'est un dogue allemand ! Notre narratrice craint d'être délogée de son appartement à loyer réduit, son contrat de location stipulant que les animaux sont interdits dans l'immeuble. Que va-t-elle faire, elle qui au départ n'aime pas les chiens ?! Vous pourrez lire ma chronique à partir de la semaine prochaine en cliquant ici.
Romans traduits, chroniques Kimamori à venir
Voici quelques livres parmi les nominés, déjà traduits en français, que je souhaitais lire depuis quelque temps. Je vous les recommande déjà, et vous en parlerai dans mes chroniques très bientôt.
Vous avez certainement tous lu "Dans les coulisses du musée" de Kate Atkinson, publié en 1996 et régulièrement réédité depuis. Kate Atkinson est une écrivaine prolifique, et tous ses romans sont excellents ! Deux livres d'elle m'attendent dans ma bibliothèque table de chevet : Une vie après l'autre publié chez Grasset, et ce tout dernier, Transcription publié par JC Lattès, traduit par Sophie Aslanides. Comme dans le roman de Michael Ondaatje nous sommes ici dans l'après-guerre et les conséquences et suites de la guerre qui sont omniprésentes. Le personnage principal a assuré un rôle anodin dans des services secrets pro nazis. Elle sera ensuite journaliste à la BBC, hantée par ce passé qui la tourmente.
Je lis tous les romans de Javier Marias ! Et celui-ci, Berta Isla, ne fera pas exception. L'écrivain espagnol n'a pas son pareil pour passer sous la loupe l'âme humaine, et toutes les petites vilénies anodines d'un être qui finiront par en faire un monstre, ou par créer un drame. Mais le lecteur comprend, ne juge pas, reste bouche bée de sa propre réaction. Ses récits ne sont pas toujours faciles à lire car il déroule les choses lentement, attentivement, et s'autorise mille digressions. Digressions qui, au lieu de nous perdre nous rendent plus attentifs justement, à la chose masquée qui est en train de s'opérer. La relation de couple, les positions politiques, l'amitié, tout est mis à nu chez Javier Marias. Berta Isla est publié chez Gallimard, traduit par Marie-Odile Fortier-Masek.
Ici n'est plus ici de Tommy Orange a beaucoup fait parler de lui tant dans les pays anglophones qu'en cette rentrée littéraire où il est traduit en français par Stéphane Roques, paru en français aux éditions Albin Michel ; sans compter qu'il a remporté les deux grands prix américains, le Pulitzer et le National Book Award. Il nous fait entrer dans la vie des indiens d'Amérique, aujourd'hui. Douze personnages vont se rendre à une réunion pow-wow, et ces hommes et femmes qui n'ont aucune raison commune d'y aller verront leurs destins se croiser et se lier étrangement. Je suis en train de le lire. J'avoue que j'en attendais plus, mais peut-être que je serai très impressionnée après l'avoir terminé.
Julian Barnes est un grand écrivain. Ses romans sont poignants, époustouflants et dotés de ce quelque chose qui leur permet de nous bercer tout le long de la lecture du livre, et nous bouleverser terriblement à la fin du récit. Je n'ai pas encore lu La seule histoire mais je sais qu'il va m'éberluer comme ses précédents écrits. Il est traduit en français par Jean-Pierre Aoustin et publié par les éditions Mercure de France.
Ces quatre romans ont fait la une de toutes les chroniques anglophones à leur parution.
- Je suis impatiente de lire Circé de Madeline Miller, paru aux éditions rue Fromentin, traduit en français par Christine Auché. Comme le titre l'indique, c'est l'histoire de la demi-déesse Circé que nous allons lire, et d'après les retours des lecteurs et des critiques la plume de Madeline Miller rend le personnage et son histoire envoûtants !
- Serial Killeuse est apparemment une lecture délicieuse, moins grave qu'il n'y paraît. J'ai l'impression que c'est un peu l'histoire de la mante religieuse qu'Oyinkan Braithwaite a imaginé autrement. Une jeune femme assassine ses amants. Sa sœur le sait et par amour la protège en la couvrant. Or un jour la sœur killeuse s'éprend d'un homme auquel la sœur protectrice tient ; que va-t-elle faire, qui va-t-elle protéger ? Traduit en français par Diniz Galhos, il est paru aux éditions Delcourt Littérature.
- Ottessa Moshfegh est devenue une star des lettres américaines. Ses textes sont perturbants et l'écrivaine en a fait sa posture. Son talent serait incontestable. J'avoue que j'aimerais plutôt commencer par ses précédents romans, et avant cela par son recueil de nouvelles. Ce tout dernier roman, Mon année de repos et de détente vient de paraître en français chez Fayard, traduit par Clément Baude.
- Quant à L'arbre monde de Richard Powers, qui fait croiser le destin de différents êtres humains, parfois de façon fantastique, autour d'un personnage principal qui n'est autre qu'un arbre, un châtaignier, ne peut que m'attirer. Il est publié par les éditions du cherche-midi, traduit en français par Serge Chauvin.
Ces quatre romans nous plairons certainement, en fonction de nos attraits pour tel ou tel style, thématique, auteur...
- C'est important de noter que Washington Black de Esi Edugyan, a été en tête des suggestions des 119 bibliothèques participant à cette sélection : le roman a été celui qui a été proposé le plus grand nombre de fois. L'écrivaine, canadienne aux origines ghanéennes a remporté par deux fois le grand prix littéraire canadien Scotiabank Giller, pour ce roman et pour 3 minutes 33 secondes. Ici nous sommes dans l'univers et la thématique de l'esclavage. Un jeune esclave se lie d'amitié avec le fils de son maître. Ils sont passionnés d'inventions et s'allient pour en concevoir. Jusqu'au jour où... Washington Black est publié aux éditions Liana Levi, traduit en français par Michelle Herpe
-Voslinsky. - Le cœur de l'Angleterre de Jonathan Coe vient de remporter le Prix du Livre Européen 2019. Nous connaissons l'écrivain remarquable. Et son dernier roman est d'après les lecteurs et critiques très convaincant. Il est traduit en français par Josée Kamoun et publié par les éditions Gallimard.
- Le tout dernier Haruki Murakami, Le Meurtre du Commandeur est également sélectionné mais je pense que tous sont largement au courant de cette publication. Sachez qu'il est publié par les éditions Belfond, traduit en français par Hélène Morita, avec la collaboration de Tomoko Ooono. Le deuxième tome est également disponible chez cet éditeur.
- Je vous avais parlé de Frankenstein à Bagdad, de Ahmed Saadawi à l'occasion des nominations du Prix Man Booker International 2018. Il a remporté le Grand Prix de l’Imaginaire en 2017. Traduit par France Meyer, il est publié par la maison d’édition Piranha. L’histoire se déroule dans l’Irak de 2005, période où un nombre incalculable de civils sont morts (centaines de milliers, voire selon certaines sources un million et demi). L’écrivain imagine un chiffonnier qui ramasse les bouts de corps de différentes victimes, les rattache ensemble et en fait un corps entier, constitué de tant d’autres corps. Il s’avère qu’une âme viendra s’emparer de ce corps et partira chercher vengeance auprès de tous les meurtriers des corps qui le constituent. Ces meurtriers, naturellement, sont tant des innocents que des criminels…
Romans non encore traduits en français
J'étais en train de lire ces livres au moment où la liste des nominés du prix de Dublin a été révélée. Je vous en parlerai bientôt. Et si vous êtes anglophones je vous les recommande déjà, en attendant qu'ils soient traduits en français.
Mia Couto est un écrivain lusophone de Mozambique que j'aime lire ; il a été célébré par le merveillux Prix Neustadt. Woman of the ashes paru en 2015 dans sa version originale n'est pas encore disponible en français, à ma grande surprise. C'est le premier volume d'une trilogie. J'avais lu et adoré "L'accordeur de silences" paru en 2011 chez Métailié ainsi que "La confession de la lionne" paru chez le même éditeur.
Unsheltered, le dernier roman de l'écrivaine Barbara Kingsolver est un peu différent des précédents. Nous sommes plongés dans l'Amérique d'aujourd'hui, au sein d'une famille où tout se délite et vole en éclats. La relation mère-fille est magistralement explorée, et l'autrice parvient à donner corps aux différences générationnelles, manières de considérer le monde et ses phénomènes radicalement inverses.
The Great Believers est le troisième roman de l'écrivaine américaine Rebecca Makkai. Son premier roman, Chapardeuse, avait été traduit et publié en français en 2012. J'ai lu énormément de critiques positives sur ce roman. Il transporte le lecteur auprès de deux personnages, à deux époques différentes : dans les années 80, et aujourd'hui. Dans les milieux de l'art on voit un galeriste atteindre son apogée au moment même où il perd tous ses amis du sida. Fiona, la petite sœur de son meilleur ami est mise en scène trente ans plus tard et vit les travers du monde actuel.
Freshwater de Akwaeke Emezi est un tout petit livre, dans le sens où il n'est pas très épais. C'est un premier roman de l'écrivain.e (they) et artiste nigérian.e. Mais là aussi, combien de critiques élogieuses n'ai-je pas lu de ce roman. Le personnage féminin qui y est mis en scène témoigne d'un dédoublement (plutôt une démultiplication!) de personnalité. Mille voix d'esprits ogbanje parlent en elle. Et c'est ainsi que le récit nous transmet une histoire lourde et poignante.
Normal People est le deuxième roman de la jeune écrivaine irlandaise Sally Rooney. Son premier roman Conversations entre amis est déjà traduit en français, et celui-ci le sera certainement bientôt. Je viens de le lire en anglais. À mon sens il est bien meilleur que son premier roman. Nous parcourons une histoire d'amitié et d'amour entre Marianne et Connell. Une écriture simple et sans fioritures parvient à rendre des sentiments et des situations complexes et graves. Notons que l'écrivaine est très acclamée aujourd'hui dans les pays anglophones.
Fox de Dubravka Ugresic me charme pour bien des raisons. Tout d'abord parce que cette écrivaine a été célébrée par le Prix Neustadt que je respecte, et puis parce que le texte me semble borgésien à souhait ! Prendre pour totem de l'écrivain le renard, opter pour une narratrice ressemblant à l'autrice, et broder un conte et une promenade littéraire avec de l'inattendu... voilà qui m'intrigue. Je ne saurais en parler correctement tant que je ne l'ai pas lu !
Prochaines étapes et liens
Les finalistes du Prix international littéraire de Dublin seront connus le 2 avril 2020.
Le jury révélera le nom du ou des lauréats (écrivain et traducteur du livre retenu) le 10 juin 2020.
Pour consulter la liste complète des romans nominés rendez-vous sur le site officiel de Dublin International Literary Award.
Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.