Un long fleuve tranquille ?
L'angle choisi dans ce film documentaire est assez simple. Plutôt que de poser la question et tenter de la résoudre intellectuellement, regardons vivre l'homme concerné. Car oui, très probablement tout dépend de l'écrivain en question, de ce dont sa vie est constituée. Nous accompagnons Jérôme Ferrari dans son quotidien ici, d'écrivain, d'enseignant, de figure publique, d'ami, et d'intellectuel. La question posée au départ devient alors dérisoire tant les propos de l'homme et de l'enseignant sont envoûtants. Tout comme le moine zen qui à la question "comment atteindre l'Éveil ?" répondait "je vais chercher du bois pour faire du feu, je vais chercher de l'eau pour faire du thé", le film ne nous parle plus que des choses essentielles : être écrivain, être enseignant, être un homme cohérent, procède de quoi ?!
Dès lors on visionne un film tranquille, avec des séquences de vie drôles, des séquences de vie exigeantes, des séquences de vie intellectuelles, des séquences de vie à transmettre, à communiquer, à enseigner. Et l'on découvre un homme doté d'humour, de simplicité et d'humilité. Exigeant avec lui-même, parfois versé dans l'extériorité et parfois versé dans l'intériorité. Mais très humain ! Eh oui, il est si aisé de voir seulement l'écrivain, l'homme brillant, intelligent, éloigné a priori de tout un chacun. Quel bonheur d'assister à ces moments où il est en salle de classe, face à ses élèves. Quel délice de le voir réagir en direct à des questions pièges à la radio, lors d'une remise de prix... Et quel enchantement de voir et d'écouter ceux qui l'accompagnent dans cette aventure : son éditrice Marie-Catherine Vacher, ses amis, dont l'écrivain Marc Biancarelli.
Tout devient simple, et coule de source. Une vie, sans être un long fleuve tranquille, peut tout de même suivre la voie de l'eau : continuer de couler toujours, continuer de mener son chemin en étant simplement fidèle à sa nature.
Voilà ! Au sortir de la projection nous n'avions rien vu de révolutionnaire mais nous avions été transportés dans un ailleurs et captivés par des propos riches et justes. S'en est suivi un joli moment de questions et réponses. J'ai particulièrement apprécié les questions qui venaient du fond de la salle, posées par des jeunes, peut-être d'anciens élèves de Jérôme Ferrari. Et j'ai été très touchée par les mots de Marie-Catherine Vacher et de l'écrivain quand il s'est agi de répondre à la question de l'influence de nos lectures. La question, telle qu'elle était formulée, aurait pu paraître maladroite. Mais non, ces deux personnes ont écouté, et entendu le fond essentiel qui résidait en cette question, et nous ont éclairé, tous, jeunes et moins jeunes.
Je vous ai tout dit et je ne vous ai pas dit grand'chose. Lisez les livres de Jérôme Ferrari. Regardez ce documentaire. Et vivons nos vies comme il vit la sienne, en tentant d'être soi, et de faire ce que l'on aime, mais de le faire au mieux de ce qui est possible.
En cliquant ici ou sur l'image ci-dessous vous pourrez regarder une vidéo composée d'extraits du documentaire :
Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.