Séjour dans les monts Fuchun, de Gu Xiaogang

Quatre frères, et huit saisons

Je vous parle de ce film parce que je l'ai trouvé magnifique. A l'heure où j'écris cet article il n'est pas encore sorti en salle, et vous ne pourrez le voir avant quelques mois. Mais ceux d'entre vous qui comme moi ont vécu la Semaine de la Critique du Festival de Cannes seront d'accord pour dire que Séjour dans les monts Fuchun est un film sublime, comme on aimerait en voir tous les jours. C'est surtout un film qu'on a envie de revoir parce que l'on sait, cependant même qu'on est en train de le découvrir, que l'on va avoir besoin de le revoir pour le savourer pleinement, pour le voir et le ressentir dans sa totalité ; pour se laisser transporter dans les envolées qu'offre la caméra, s'imprégner de la magnificence de la nature qui s'offre à nos yeux tout en écoutant, lisant les sous-titres, des dialogues, essentiels. Mes mots sont terriblement élogieux et j'espère que cet article parviendra à expliquer mon enthousiasme !

Charles Tesson, Délégué général de la Semaine de la Critique, nous a présenté ce film avant que la projection commence. Il nous a parlé d'un rouleau de peinture de 30 cm de hauteur et de 6 mètres de longueur, qu'il a vu exposé en Chine. C'est une œuvre de Huang Gongwang, réalisée entre 1348 et 1350, qui a été quelque peu endommagée mais qui, malgré tout, nous est parvenue. Cet artiste était originaire de la ville où se déroule le film de Gu Xiaogang. Le père du jeune réalisateur a un restaurant dans cette ville. Et ce restaurant est en quelque sorte au cœur du film. En Chine, et plus largement en Asie, une peinture esquisse le temps, les saisons, le ciel et la terre, et en tout petit, les hommes. C'est bien cela qui nous est donné à voir dans ce film : une famille, quatre frères et leurs familles respectives, leurs histoires, et leurs relations, leurs modes de vivre, ensemble, ou séparément, et leurs modes de s'aimer malgré les variations énigmatiques que le destin offre à chacun. Cette famille traverse huit saisons sous nos yeux. Et nous, spectateurs, voyons dérouler sous nos yeux un pays, une époque, ses travers et sa beauté. La chose surprenante est le jeune âge du réalisateur qui fait preuve d'une maturité hors pair dans sa vision, qui nous est transmise, tout en douceur, avec finesse, et surtout, emprunte d'une grande profondeur...

Le film s'ouvre sur un dîner qui se déroule dans un restaurant. Tous les membres proches et éloignés d'une famille sont réunis. Ils fêtent l'anniversaire de l'aïeule : la grand-mère. Elle est au centre de tout, dans cette première scène et tout le long du film. Elle relie les uns et les autres. Elle devient un fardeau plus tard dans le film, mais par sa présence, ou par son absence, elle a le pouvoir de souder des êtres humains si différents. L'histoire est contée avec humanité, et sans jugement. La vérité de la vie nous est livrée avec justesse et simplicité.



Est-ce que dans un bref article comme celui-ci je peux tout vous raconter ? Certes non. Nous avons quatre frères. Trois d'entre eux ont une progéniture. Le quatrième est célibataire, et semble enfantin. L'aîné est un frère aîné parfait. Le second est un second parfait. Le cadet est le parfait cadet et ainsi de suite. Leurs enfants vont faire des choix. L'un des enfants est trisomique. La fille de l'aîné est d'une douceur et d'une compréhension à tout épreuve, et pourtant, elle va prendre une décision dont on ne la croirait pas capable. Le second est pêcheur et avec sa femme ils mènent une vie modeste ; ils feront tout, pourtant, pour offrir ce qu'il y a de mieux, dans les règles de l'art et en respectant les conventions, à leur fils. Eh oui, nous sommes dans le domaine de l'enfant unique. Et ô comme c'est difficile d'accepter le devenir de cet enfant unique, quel qu'il soit. Le fils cadet a un vice : il joue aux jeux. Il paraît être l'exemple à ne pas suivre. Et pourtant il va nous étonner. C'est d'ailleurs le cas de tous les personnages. Ils sont parfaitement à leur place, et pourtant on les trouvera à un moment là où on ne les attend pas. Voilà ce qu'est la vie, et le devenir des petits humains qui y naviguent.

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Mais ce film, ce n'est pas uniquement l'histoire d'une famille et des membres qui la constituent. C'est l'histoire de la vie, et d'une époque, en Chine. On nous raconte la mafia. On nous raconte la technologie et ses effets (ou méfaits). On nous raconte la transformation d'un monde, l'évolution du paysage immobilier et architectural. On nous raconte les problématiques que posent la sénilité, l'amour, la jeunesse. Vous voyez le tableau ci-dessus, extrait du rouleau de Huang Gongwang ? Vous voyez les mille détails qui y sont tracés, avec les ombres et les lumières, le noirci et le lumineux ? Eh bien voilà, c'est une belle image représentative de ce film. Comment vous dire mieux la saveur et la teneur de ce film ? Il est grand et il est fin. Il est sans fin tant il requiert notre attention. 
Donc, en conclusion, si vous avez la possibilité de voir ce film, allez-y !

SEJOUR DANS LES MONTS FUCHUN
Réalisateur : Gu Xiaogang
Scénario : Gu Xiaogang
Musique : Dou Wei
Casting : Qian Youfa, Wang Fengjuan, Zhang Rengliang, Zhang Guoling, Sun Zhangjian, Sun Zhang-wei, Du Hongjun, Peng Luqi, Zhuang Yi, Sun Zikang
Production : Liang Wing

Cet article a été conçu et rédigé par Yassi Nasseri, fondatrice de Kimamori.

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